Boudali Safir-Sid Ahmed Serri.A;Boumediene


Il s’agit de l’intellectuel, académicien, historien et musicologue Boudali Safir, un érudit faisant partie des rares Algériens qui ont réussi à mener un débat visant à démanteler la structure argumentaire de la pensée coloniale sur le volet philosophique. Mais aussi et surtout, il fut derrière la classification actuelle du patrimoine et du genre musical authentique algérien. Sa création de cinq ensembles musicaux : permanent (andalou), kabyle, bedoui, populaire (chaâbi) et moderne, en tant que directeur artistique des émissions en langue arabe et kabyle à l’ORTF en a été la concrétisation. L’apport de Boudali Safir à la conceptualisation qui structure l’héritage lyrique algérien était, entre autres contributions, l’un des jalons qui ont marqué le parcours de ce grand maître.

Les chemins de Sid Ahmed Serri et de Boudali Safir se sont croisés lorsque celui-ci lui offrit l’opportunité - pour la première fois - d’enregistrer et de diffuser ses œuvres à la Radio d’Alger lorsqu’il était à la tête de la direction artistique précédemment citée, ce qui fera atteindre à l’aura de Serri une échelle jamais égalée jusque-là. En effet, cette occasion le propulsa au rang des grands artistes de l’époque, initiant par là même une relation qui dépassa la simple jonction manager-artiste. Car, au-delà de l’occasion d’élargir son public, Boudali Safir a élargi la perception de Sid Ahmed Serri du patrimoine classique andalou. Bien que techniquement la musique andalouse n’avait quasiment plus de secret pour Serri, Safir lui inculqua les référentiels culturels et civilisationels de cet art considéré par beaucoup comme bien plus qu’un genre musical, un écho d’une civilisation qui se répand à travers les temps. Et ce sont ces référentiels qui constituèrent l’âme de l’œuvre de Sid Ahmed Serri, structura et rationalisa sa démarche d’apprentissage et de formation. 

Tout cela étant dit, est-il exagéré d’affirmer que Boudali Safir était le maître à penser de Sid Ahmed Serri. En tout cas, c’est celui que Serri qualifiait de légende (Boudali Safir) qui aiguisa son génie intellectuel et son savoir technique qui l’ont caractérisé. Et c’est en considérant tout cela qu’un pincement au cœur survient en remarquant l’omission du rôle de Boudali Safir dans le parcours et l’œuvre de Sid Ahmed Serri. 

Par inadvertance ou par inconsidération, cette omission ne lèse pas seulement Boudali Safir, mais nous informe mal sur les facteurs, les personnes et les éléments qui ont façonné le personnage de Sid Ahmed Serri et donc de son parcours. 

La générosité, le désintéressement et le dévouement des hommes peuvent décider du sort des autres, et c’est pour cette raison que souvent des évocations - comme celle-ci - peuvent en appeler d’autres. 

Abdelhamid Boumedienne, 

Directeur de la culture de la wilaya de Saïda