Connexion  

   

LA PRESSE  


presse

   

HOMMAGE A Mohammed OULD KABLIA  

Le jeudi 29 aout 2013 nous quittait Mohammed OULD KABLIA, Moudjahed, grand serviteur de l’état et ancien élève de notre lycée. Pour honorer sa mémoire, nous vous présentons sa biographie

Biographie de Mohamed OULD KABLIA

Mohamed Ould Kablia est né le 6 mai 1932 à Tanger où son père exerçait depuis deux années, la fonction d’officier de la garde du sultan Mohamed V. Il fait avec son frère Dahou et sa sœur Zoubida des études primaires dans cette ville avant le retour à Mascara de toute la famille en 1940 au lendemain de la déclaration de guerre entre l’Allemagne et la France.

LIRE LA SUITE

 

   

DISTRIBUTION DES PRIX 2023

Le vendredi 21 juillet 2023 à 18h au lycée Djamel Eddine El Afghani a vu avec bonheur la reprise des cérémonies de distribution des prix que notre association avait l’habitude d’organiser chaque année au profit des élèves les plus méritants de notre lycée et de la wilaya de Mascara. Les retrouvailles ont été chaleureuses et régnait une magnifique atmosphère de fraternité et de convivialité. Cette cérémonie a permis la rencontre de ces élèves avec leurs ainés qui malgré la chaleur particulière de cet été se sont déplacés de loin. On a eu le grand honneur de recevoir M. Sid Ahmed GHOZALI ancien Premier Ministre. Sa présence a donné un éclat particulier à cette rencontre. Il a exhorté les lauréats à plus d’effort et leur a exprimé la satisfaction et la confiance de leurs ainés. A ses cotés plusieurs personnalités ont répondu à notre invitation en particuliers Madame BELKEBIR qui comme chaque année remet un don au premier des lauréats du baccalauréat, les Professeurs Layadi du CHUORAN, le Professeur Senouci Mohammed, le Professeur Abdelkader KHELIL, des anciens élèves comme M. Mokhtar KHELLADI, Belkacem Mokhtar HADJAIL et les familles BELBOURI, GAID, TAHAR. Nous remercions le Président de l’Assemblée Populaire Communale de Mascara et le Président de l’Assemblée de wilaya de Mascara de leur présence. Nos remerciements les plus chaleureux vont à M.OUENZAR Boudjelal et son ensemble musical pour sa prestation de musique andalouse qui a égayé cette cérémonie. Une mention particulière est décernée à Madame BENDRAOU Djamila Proviseure du lycée Adda Berkane qui a su animer avec talent et brio cette distribution des prix. Elle a, par la même occasion, lu le message adressé par le Pr KANDIL aux élèves que nous reproduisons ci-après. Nos remerciements vont aussi à M. le Directeur du lycée Djamel Eddine ainsi que ses travailleurs pour leur disponibilité. Enfin pour terminer nous ne pouvons manquer de présenter notre immense reconnaissance à celui qui sans lui cette cérémonie n’aurait pas pu se tenir et qui se reconnaitra. Merci à tous.

20230721_191250_Copier.jpg
20230721 191542 Copier20230721 191832 Copier

bac.jpg

Pour consulter le reportage photographique cliquez ici

MESSAGE DU Pr KANDIL

Oran, le 17 juillet 2023.

Honorable Assemblée,

Mes chers amis(es)

Cette fois-ci contrairement à une coutume à laquelle je ne dérogeais pas et qui me tenait à cœur, je suis contraint pour des raisons de santé de ne pas être parmi vous, vous m’en voyez fort contrit et désolé.

Cependant, je tenais à être présent d’une autre façon, en demandant à notre cher président, le Dr Boucif Djillali qui a toujours œuvré pour le bien de l’Association, de nous prêter sa voix pour lire cette intervention.

Evoquer ce que fut l’enseignement pendant la période coloniale, à travers notre vécu, constitue un message que je souhaiterai porteur d’espoir et de lumière pour les nouvelles générations de lycéens qui se succèdent d’année en année, dans un monde qui change et dans une Algérie qui change aussi. De leur passage au Lycée Djamel El Afghani, ils garderont tous dans un coin de leur mémoire, au fond de leur cœur, des souvenirs marquants qui les définiront en tant qu’hommes et femmes d’aujourd’hui et de demain.

De l’enseignement dans le cadre du système colonial, qu’avons-nous gardé ?

$1·         D’abord le sentiment profond qu’il avait été conçu, élaboré pour servir bien sûr les objectifs du système colonial : former une main d’œuvre corvéable, malléable et adaptable à ses propres besoins économiques .La maîtrise des rudiments du calcul, de l’écriture et de la communication étaient dès lors nécessaires.

La perception de ses objectifs globaux était bien entendu fragmentaire à notre niveau. En d’autres termes, nous n’en avions compris le sens qu’au fur et à mesure que nous grandissions en son sein. Il se manifestait par une dualité que nous retrouvions de façon concrète au niveau de nos enseignants, à différents paliers de scolarité. Nous eûmes à connaitre des enseignants Européens de deux types.

Le premier type pratiquant l’enseignement à la « façon colonialiste », ségrégationniste, injuste dans sa notation, blessant dans ses propos, nous faisant prendre conscience progressivement de notre supposée infériorité génétique Mes compagnons de route (certains vivants, que Dieu leur prête santé et longévité et d’autres, disparus, Allah yerhamhoum , qu’ils reposent en paix, eurent tout comme moi, à subir ses revers et ses comportements pernicieux.

Quant au deuxième type d’enseignants Européens, moins nombreux malheureusement, qui nous marquèrent aussi, furent quant à eux, admirables par leur pédagogie, se consacrant à leur noble mission, sans distinction de race ni de religion. Ils ne dessinaient aucune frontière mentale entre les élèves dits « indigènes » et les enfants de colons. Nous étions tous à leurs yeux, leurs élèves, et seuls nous distinguait le travail, le sérieux, en un mot, l’intelligence. Nous nous inclinons ici devant leur mémoire, car, dans des temps de trouble et de domination coloniale, ils réussirent malgré tout à assurer leur mission pédagogique sans prise en compte aucune de l’idéologie coloniale qui imbibait le système d’enseignement élaboré à son image. Nous évoquerons par la suite aussi bien certains noms du premier type que du second.

$1·         Il faut rappeler que dès le primaire, des écoles « spéciales indigènes »furent créées parallèlement à d’autres plus performantes destinées essentiellement aux Européens. Dans les classes dites d’indigènes, l’enseignement était réduit à sa plus simple expression après un accès relativement tardif (7-8ans).Des rudiments de Français, quelques notions d’hygiène et surtout des additions et des multiplications étaient enseignés pour les raisons évoquées auparavant.


Lire la suite : MESSAGE DU Pr KANDIL

Le noeud gordien algérien-Epilogue

Le nœud gordien algérien : Epilogue

par Brahim Senouci* & Mustapha Benchenane**

Voilà. Nous sommes arrivés au terme de cette publication du « nœud gordien » qui aura duré quinze semaines, au rythme d’une livraison hebdomadaire. Nous remercions le directeur du «Quotidien d’Oran» de l’avoir accueillie. 

En l’engageant, nous n’avions, certes pas, l’ambition d’épuiser l’ample sujet que constitue la crise en Algérie. Le mot « crise » lui-même est, relativement, impropre. Le dictionnaire la définit comme suit : « Brusque accès, forte manifestation d’un sentiment, d’un état d’esprit ». Il s’agit, donc, d’un phénomène limité, dans le temps et qui, de par son caractère aigu, est voué à se résoudre, rapidement, en débouchant sur une solution immédiate ou sur la destruction. En Algérie, le caractère, à la fois aigu et chronique, de la situation ne correspond pas au sens classique du mot « crise ». Nous conserverons ce vocable, néanmoins, mais il est intéressant de noter qu’il ne s’applique pas, forcément, à un pays qui connaît une fièvre qui dure depuis des décennies, alors que le propre même d’une fièvre est sa brièveté. 

Nous avons souhaité rassembler, dans ce « feuilleton », des éléments, des analyses, des appréciations de nature à apporter des éclairages, des éléments de compréhension. Nous avons entamé ce travail par la partie qui devrait prêter, le moins, à la contestation, celle qui a trait aux symptômes. Nous l’avons poursuivi en pointant les causes possibles et nous l’avons clôturé en proposant des pistes de réflexions susceptibles, sinon d’offrir des remèdes « clés en mains » que nous n’avons pas, du moins pouvant déboucher sur des solutions. Nous les rappelons ci-après…

Nous avons reçu de très nombreux messages de sympathie de lecteurs qui déclarent partager ce que nous exprimons. Encore une fois, nous invitons nos compatriotes à s’engager sur ces pistes. Rien ne se fera, en effet, sans leur adhésion. 

Nous avons une conviction : notre peuple est victime d’une pathologie dont les racines plongent dans un passé dans lequel il a eu un rôle peu gratifiant. Il a, certes, remporté une immense victoire en contraignant la France coloniale de se retirer d’une terre qu’elle avait bien l’intention de garder pour l’éternité. Hélas, les lendemains de la victoire ont été amers. Il y a eu d’abord la guerre des chefs, puis l’injonction au silence et à l’obéissance aveugle adressée au peuple par ses « libérateurs ». L’autophobie, ou haine de soi, développée sous la botte de l’Empire Ottoman, s’est aggravée, durant la colonisation française, infiniment plus cruelle et plus destructrice que celle du prédécesseur. Hormis les massacres barbares qui l’ont rythmée, cette colonisation a été la cause de la perte de notre être culturel, de notre langue, de notre imaginaire. Elle a réussi à enraciner, en nous, la vision du vainqueur dans laquelle nous jouions le mauvais rôle. Nous avons intégré l’image qu’il avait forgée de nous. Nous nous sommes convaincus que nous étions, naturellement voleurs, menteurs, hypocrites et cauteleux. Nous avons endossé cette tunique de Nessus qui nous colle et nous brûle la peau et dont nous ne parvenons pas à nous débarrasser. 

La victoire sur le colonialisme avait, pourtant, ouvert la voie à d’autres peuples qui s’en sont inspiré pour s’émanciper. Elle a produit d’énormes effets jusque dans les sociétés occidentales. Elle a permis la vision d’un possible nouveau monde. Oui, notre guerre de libération et sa conclusion heureuse avaient ouvert le champ des possibles. La déception actuelle est à la mesure de l’enthousiasme d’alors. Elle conduit, parfois, à un sentiment d’autodestruction, à la libération d’une pulsion suicidaire que traduisent, notamment, les immolations par le feu et les équipées meurtrières des harraga. Il nous faut rompre avec cette logique mortifère pendant qu’il en est, encore, temps. 

DES PISTES DE REFLEXION POUVANT CONDUIRE A DES SOLUTIONS

Encore une fois, nous ne disposons pas de solutions « clés en mains ». Elles existent, toutefois. Elles sont dictées par le bon sens. Ça peut être rassurant de savoir que l’Algérie n’est pas le seul pays au monde à dilapider ses immenses potentialités, ni le lieu d’élection de la pathologie de la « haine de soi ». D’autres pays connaissent des situations analogues. Le savoir permet de relativiser l’ampleur des difficultés. Il faudrait engager un cercle vertueux dans lequel, par un effort de volonté, les Algériens décident qu’il est temps, pour eux, de se prendre en charge et d’en finir avec des tares qui obèrent leur avenir. Voici notre contribution à l’ouverture de pistes pouvant participer de la formation de cette volonté collective.

En nous référant aux causes que nous avons identifiées dans ces colonnes il y a quelques semaines, nous pouvons proposer que la réflexion aille dans les directions suivantes.

UNE ECRITURE DE L’HISTOIRE 

L’écriture de l’Histoire n’est jamais objective. Chaque peuple éprouve, en effet, un besoin vital de se construire son « roman national ». Les Algériens ont beaucoup souffert de la falsification de leur Histoire, non seulement par l’ancien colonisateur, mais aussi par ceux qui les dirigent. Leur « roman national » reste à écrire.

Nous avons dit à quel point les Algériens souffrent d’un manque d’estime d’eux-mêmes. Nous avons même évoqué la « haine de soi ». L’écriture de l’Histoire doit, prioritairement, les rétablir dans leur dignité. Il faut, simplement, rappeler, sans en rajouter, ce que ce peuple a accompli de positif, de génération en génération. Non seulement, cette partie est occultée mais la mémoire ne retient que les épisodes malheureux, peu gratifiants. Ayant appartenu, trop longtemps, au camp des vaincus de l’Histoire, l’Algérien est amené à penser, consciemment ou non, qu’il s’agit d’une fatalité, qu’il est incapable de faire autrement et mieux. Ce complexe d’infériorité se manifeste, souvent, par son opposé : la fierté, un orgueil excessif, symptôme de la blessure du Moi, comme le montrent les folles célébrations des victoires footballistiques, qui font leur lot de morts.

A contrario, la France sous occupation allemande a connu le déshonneur en pratiquant la collaboration d’Etat avec l’Allemagne nazie. La majeure partie de sa population s’inscrivait, sinon dans la participation à cette ignominie, du moins dans l’enfermement dans un lâche silence. Une petite partie des Français, avec l’aide de bon nombre d’immigrés, a choisi la Résistance. C’est cette dernière que la France revisite, régulièrement, de son héritage qu’elle se réclame, elle qu’elle désigne comme un objet de fierté pour ses citoyens. La collaboration n’est pas niée mais « euphémisée ». Cela peut aller jusqu’à l’interdiction de films rappelant cette tache du passé comme « le Chagrin et la Pitié » de Louis Malle. Nos historiens pourraient faire de même. Leur tâche serait, il est vrai, plus ardue tant le colonisateur a pu imprimer notre infériorisation dans notre propre inconscient collectif durant les 132 années de son règne…

Il serait souhaitable que cette écriture de l’Histoire fasse apparaître la dimension fondamentale que représentent les rapports de force, dans l’histoire de l’Humanité. Les Algériens n’y échappent pas. Les victoires et les défaites doivent être relativisées par la présence de cette dimension. Les séquences dramatiques, parfois tragiques, qui sont des passages obligés pour tous les peuples, doivent s’inscrire dans cette grille. La leçon à en tirer est que la seule vérité qui compte est celle des rapports de force. Ceux-ci ne sont pas immuables mais ils n’évoluent pas, spontanément. Ils évoluent sous l’effet du renforcement ou de l’affaiblissement des nations. Malheur aux faibles…Si l’Algérie veut se protéger, elle doit se renforcer, et pas seulement militairement. Elle doit se renforcer économiquement, socialement, politiquement et culturellement. Elle doit réfléchir à sa dépendance alimentaire, vis-à-vis de l’étranger et au caractère précaire de la manne pétrolière qui sert à payer nos factures. Elle doit, aussi, se renforcer sur un plan immatériel, en revenant à la source d’une mémoire partagée, le meilleur gage qui soit contre les forces centrifuges qui travaillent à son éclatement. Elle doit se forger une identité qui ne soit pas une simple juxtaposition de slogans. L’écriture de l’Histoire peut y contribuer. Elle donne accès à la connaissance de la généalogie, ce qui permet d’être relié par un fil rouge à des ancêtres communs sans négliger ni dévaloriser aucune des strates qui ont constitué ce long cheminement. Elle participe ainsi à la reconstitution de la mémoire et à la lutte contre la fragmentation de notre identité. Cela nous permettra, également, de développer un sentiment d’appartenance, très largement partagé, et donc de recréer le lien entre les individus de telle sorte que nous pourrons constituer une Nation au sens plein de ce mot : un passé commun, des intérêts vitaux communs, la conviction de constituer une communauté de destin. Sans qu’il soit nécessaire d’être exhaustif, on sait bien que l’écriture de l’Histoire contribue, de façon décisive, à déterminer le regard qu’un peuple porte sur lui-même, à forger son identité et à déterminer son avenir. Elle fournit, également, la capacité à élaborer un projet de civilisation.

UN PROJET DE CIVILISATION

Ce projet doit être la grande affaire du peuple et de ses élites. Il déterminera l’avenir du peuple algérien pour des décennies. Signalons, ici, quelques points de repère vitaux.

Le choix de la langue : Nous avons soulevé cette question dans la partie consacrée aux causes. La suite coule de source : le choix stratégique, vital même, de la langue arabe dite « classique » nous paraît évident. Il est, certes, nécessaire d’actualiser et de mettre à niveau cette langue. Une académie de la langue arabe, réunissant des experts, algériens et étrangers, pas exclusivement arabes, doit être constituée, à cette fin. Il existe, en effet, de nombreux linguistes et arabisants en Occident qui peuvent apporter leur contribution. La « modernisation » de la langue doit, aussi, être mise en débat. Les préoccupations qui doivent guider les travaux sont celles de l’identité, dont l’épine dorsale est la langue, ainsi que le développement de l’intelligence de ses locuteurs. Une langue en retard sur son temps participerait à la régression alors qu’une langue dynamique, capable de s’adapter en s’enrichissant, maîtrisée par le plus grand nombre, serait l’une des dimensions des rapports de force à l’échelle planétaire. La composante berbère du peuple algérien est une part fondamentale de notre patrimoine commun. Elle doit faire l’objet d’une égale attention. L’apprentissage de tamazight doit être rendu obligatoire pour tous les Algériens, au moins durant une bonne partie de leur scolarité. La ligne rouge à ne pas franchir est celle d’un bilinguisme absolu que l’Algérie n’a pas les moyens de s’offrir. La Belgique, bien mieux dotée que nous sur les plans économique et politique, est sur le point d’en mourir. Que nos compatriotes berbérophones ne le prennent pas en mauvaise part. Qu’ils prennent la mesure de notre succès commun si, demain, le tamazight devenait, avec l’arabe dialectal, une des langues de toute l’Algérie. Mais qu’ils comprennent qu’un projet de civilisation doit être adossé à une langue, certes difficile, mais apte à exprimer l’infini des nuances, la délicatesse d’un débat, la complexité de la philosophie… D’ailleurs, la question ne se posait pas durant les siècles de lumière de notre civilisation. Combien de combattants, de lettrés, de poètes, de savants d’origine berbère, mais aussi turque, persane, ouzbek, caucasienne…, ont contribué à porter cette civilisation à son apogée ! C’est bien la preuve du caractère universel, et surtout pas ethnique, de cette civilisation.

Il reste à réfléchir sur la place de la langue française, en tenant compte de la réalité : des millions d’Algériens la pratiquent au quotidien. Il y en a bien plus, dans l’absolu mais aussi en termes relatifs que du temps de la colonisation. Aberration et paradoxe : l’Algérie est le deuxième pays francophone après la France. Paradoxe, puisque la France a laissé une population algérienne analphabète à 85 %, ce qui donne la mesure de l’absurdité de l’affirmation de Kateb Yacine sur le « français butin de guerre ». S’il y a « butin », il est pour la France qui a certes dû se résoudre à quitter sa colonie mais qui continue d’y exercer son influence par la langue, ce vecteur de puissance si important ! Pour autant, il ne faut pas ostraciser les francophones. Ils sont une composante de la population et une expression de son identité. De fait, à long terme, selon l’évolution des rapports de force culturels et à l’aune des seuls intérêts de l’Algérie, il faudra bien poser la question du choix d’une langue étrangère comme outil d’ouverture vers le monde.

Une stratégie de développement : le choix d’une stratégie de développement est, à la fois, une composante et l’un des vecteurs du projet de civilisation. Le projet éducatif doit être le noyau dur de cette stratégie. Viennent, ensuite, les dimensions économique et sociale. Projet éducatif et langue sont indissociables. Nous avons vu ce qu’il en était de la langue, qui doit être porteuse de valeurs et d’éthique car elle structure la conscience et les inconscients individuels et collectifs de ceux qui la pratiquent. Le projet éducatif devrait avoir comme priorité absolue de remettre, au goût du jour, la valeur « travail ». Jusqu’à présent, la priorité était la quantité. Il fallait scolariser une population, de plus en plus, nombreuse. Evidemment, la qualité s’est ressentie de cet afflux. La pression démographique ayant baissé, il est temps de remettre la qualité à l’ordre du jour. Il est impératif de former de façon rigoureuse et obligatoire les formateurs, en leur apprenant à privilégier la rationalité critique et autocritique. Il faudrait mettre l’accent sur les disciplines porteuses de rationalité : les sciences dites exactes, la philosophie, la sociologie bien comprise. Ces sciences devront être au centre des programmes scolaires et permettront, à terme, de tout soumettre à l’examen critique. Elles doivent, aussi, donner goût à l’autocritique (méthode et vertu). Le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est pas une vertu cardinale, en Algérie. Plutôt que de se remettre en cause, chacun se dédouane en rejetant la responsabilité sur les autres (supérieurs, collègues, complot étranger ou local). C’est aussi l’absence totale de rationalité qui est en grande partie responsable de la désorganisation, des approches approximatives, des mauvais bricolages et de la gabegie, dans tous les domaines. Naturellement, la priorité donnée à ces disciplines ne doit pas s’exercer au détriment de la littérature, de l’art, de la poésie. L’imaginaire doit, lui aussi, pouvoir trouver de quoi se nourrir.

Dans ce projet éducatif, il y a, bien sûr, l’enseignement de l’Histoire telle qu’elle vient d’être présentée : celle des Algériens et des autres peuples arabes, mais aussi celle des autres communautés humaines, des civilisations, des religions. L’enseignement de l’Islam doit comporter, en majeure partie, celui de la culture religieuse. Sans culture, la foi ne serait qu’une amputation, une défaite de l’intelligence. La croyance doit rester une affaire personnelle. Il faut veiller au respect de l’autre, même s’il a choisi de se situer dans un « ailleurs » culturel et religieux.

Cet enseignement, enrichi d’approches rationnelles plurielles et profanes, aurait, aussi, comme finalité de faire des citoyens conscients, responsables, soucieux du bien commun et de l’intérêt général, sachant partager l’espace public de façon pacifique et courtoise, engagés dans la vie associative, syndicale, politique. 

Sans tomber dans l’idéalisme, il s’agit là d’une direction vers laquelle il faut tendre, en sachant que c’est un travail toujours à recommencer, à approfondir et à affiner. Il y faut une volonté farouche et de long terme.

Dans ce domaine de l’Education comme dans bien d’autres, il ne faut pas avoir de complexe et ne pas hésiter à avoir recours aux meilleurs experts nationaux et étrangers, tout en maintenant la stratégie dans la sphère de la souveraineté nationale.

Un autre objectif du système éducatif, aussi important que les autres, concerne le passage de l’intelligence individuelle à l’intelligence collective. Cela contribuerait à faire sortir l’Algérien de son individualisme pathologique, de la méfiance à l’égard d’autrui afin qu’il considère celui-ci comme un partenaire et un allié plutôt que comme un rival ou une menace.

La dimension économique et sociale de la stratégie de développement :

Système éducatif et développement économique et social sont étroitement liés. D’une part, il est primordial que le système éducatif immerge et façonne ses destinataires à la culture de l’effort, fasse du travail (bien fait !) une valeur allant de soi. Cela permettrait de sortir de la mentalité actuelle, consistant à tout attendre de l’Etat et réclamer comme un droit une part, sous une forme ou une autre, de la « rente pétrolière ». C’est par le travail qu’on construit une société, que l’on parvient au bien-être, que l’on édifie une civilisation. 

Le système éducatif est aussi le substrat indispensable pour relever le défi auquel est confrontée l’Algérie : l’adaptation à l’économie de marché mondialisée. Cela suppose que ce système forme, à tous les niveaux de la hiérarchie, des personnes détenant des compétences équivalentes à celles d’un Occidental de même rang. Cela permettrait de mettre l’accent sur la recherche fondamentale et sur la recherche-développement.

On pourrait identifier quelques indicateurs de la réussite et de l’adaptation de l’économie algérienne au marché planétaire, à travers des objectifs à atteindre. A titre d’exemple, nous pourrions nous donner des obligations « ardentes » : faire baisser notre dépendance à l’égard des hydrocarbures de 97 % actuellement à 50 %. Nous pourrions aussi nous lancer le défi d’en finir avec notre dépendance alimentaire. Cela impliquerait la mise à niveau technologique et l’utilisation rationnelle de la terre. Il faudrait, également, stopper le rétrécissement de la Surface Agricole Utile, dû à l’urbanisation et à la désertification. Nous pourrions, non seulement stopper l’avancée du désert mais aussi gagner de la terre. Les Hollandais ont fait reculer la mer, devenant ainsi une authentique puissance agricole. Nous pourrions les imiter en faisant reculer le sable. Il y a, également, des progrès à faire en matière de gestion de l’eau…

Les effets seraient bénéfiques à plusieurs titres. Sur le plan économique, nous pourrions tabler sur une réduction de nos importations et, sans doute, d’un développement de nos exportations hors hydrocarbures. Cela donnerait, aussi, des pôles d’attractivité pour nos jeunes sans emploi. 

Sur le plan politique, la réduction de notre dépendance nous conférera une stature nouvelle. Nous pèserons davantage dans les négociations internationales que dans la situation de « clients captifs » dans laquelle nous sommes, aujourd’hui.

Il faudrait, aussi, prendre au sérieux l’affaire de la construction du Maghreb. Sans doute faudrait-il commencer par rétablir la confiance en lançant des projets économiques concrets et des mesures sécuritaires pour protéger nos trois pays, soumis aux mêmes dangers. Nous finirons bien par prendre conscience que nos intérêts vitaux nous sont communs, qu’ils nous dictent l’obligation de nous rapprocher et de fonder des stratégies et des politiques communes.

Plus important : sur le plan symbolique, enfin, ces victoires auraient une portée d’autant plus grande qu’elles seraient le fruit de notre engagement collectif. Elles nous permettraient de rompre avec l’idée de la fatalité de l’échec. Quelle meilleure médication pour retrouver l’estime de soi et pour redonner, à notre jeunesse, le goût du rêve et l’énergie pour le réaliser !

Oui, nous savons toutes les embûches, toutes les raisons qui amèneront sur les visages de beaucoup d’entre vous, amis lecteurs, une moue dubitative. Oui, le Pouvoir n’est pas prêt à jouer le rôle nécessaire de stratège qui doit être le sien, dans le cadre de cette campagne de réformes profondes. Lui, aussi, doit prendre conscience que ce qui est présenté ici est le premier terme d’une alternative dont l’autre terme serait la remise en cause de l’existence même de notre pays. Il ne le fera sans doute pas de lui-même. Il y sera contraint par une pression populaire intelligente et pacifique. Les intellectuels devront, naturellement, y prendre toute leur part. Il faut que nous en finissions avec les exils, intérieur et extérieur, que nous cessions d’être, à l’image de l’Anarque, personnage d’Ernst Jünger, « cet être ne rêvant que de régner sur son royaume intérieur et de poursuivre, en solitaire, le déchiffrement du monde » et de céder, chaque fois que l’emprise de la société sur l’individu devient insupportable, au « recours aux forêts », « cette retraite au fond de soi »…

Cette livraison clôt, donc, la série de quinze articles que nous avons consacrés au « nœud gordien » algérien. Il est, en fait, bien plus facile d’écrire seul qu’à quatre mains : on est le plus souvent d’accord avec soi-même et on n’a pas trop tendance à soulever des controverses contre son propre ego. Quand on est deux pour un texte unique, il faut argumenter sans cesse, accepter d’être déstabilisé… Mais au bout du compte, on se rend compte qu’un texte fruit de deux approches, de deux logiques, de deux styles, est plus satisfaisant qu’un document élaboré dans le huis clos d’une pensée exclusive et solitaire. L’expérience d’une réflexion qui a besoin pour exister, pour s’affiner, de se frotter à une autre, expérience inédite dans nos journaux, mérite , vraiment, d’être reprise, sans modération ! 

Postscriptum : Le nœud gordien désignait dans l’Antiquité un nœud inextricable qui attachait le joug au timon du char de Gordias, roi de Phrygie. La légende voulait que celui qui parvenait à le dénouer dominerait le monde. Alexandre le trancha d’un coup d’épée. L’expression « trancher le nœud gordien » renvoie à la résolution d’une difficulté apparemment insurmontable de manière radicale, par la force. Cette méthode n’est pas souhaitable pour l’Algérie. Il faut privilégier la méthode douce, celle qui requiert une infinie patience, dénouer les fils entremêlés un à un...

* Physicien, Université de Cergy-Pontoise

** Politologue, Université Paris-Descartes Sorbonne

Le nœud gordien algérien (Quatorzième partie)

Le nœud gordien algérien (Quatorzième partie): Pour un régime politique adapté aux réalités algériennes

par Brahim Senouci*& Mustapha Benchenane**

Dans une précédente livraison (« Un régime politique marqué par la confusion et l'inadaptation », Le Quotidien d'Oran du 19 février 2015), nous avons noté à propos du régime actuel que, bien que n'étant plus une dictature au sens classique, il n'est pas pour autant devenu une démocratie. Une dictature se caractérise par une absence totale de liberté d'expression. En Algérie, cette liberté, même si elle est relative, existe. Il est possible de critiquer le régime et de dénoncer ses dérives, aussi bien dans la rue qu'à travers les écrits journalistiques. Toutefois, elle ne constitue pas à elle seule un gage de démocratie. Une démocratie suppose, entre autres, une compétition pacifique pour le pouvoir selon des règles largement acceptées et scrupuleusement respectées, et l'existence d'un véritable Etat de droit, soit un Etat soumis au Droit et respectant l'indépendance de la Justice. Et puis, une démocratie ne peut se construire sans consensus. Le paradoxe n'est qu'apparent.

La diversité des opinions doit être la règle, à condition qu'elles puissent s'exprimer dans un cadre commun, admis par tous les acteurs de la société. On ne peut ainsi bâtir un régime démocratique dans un pays où des oppositions radicales caractérisent les échanges. Il faut en particulier régler la question du projet de société, sans que ce projet soit le résultat d' un arbitrage entre deux contraires comme c'est la cas dans notre pays depuis l'émergence de l'islamisme, mais d'un échange fécond dans lequel les acteurs ne seraient gouvernés que par le souci de l'harmonie, du vivre-ensemble, de la volonté de développer le pays pour prémunir les générations futures d'éventuelles catastrophes qui seraient des effets retardés de notre incapacité actuelle à les prévenir.

Les régimes politiques peuvent être classés en quatre catégories. Il y a d'abords les régimes totalitaires (Union Soviétique, Chine sous Mao-Tsé-Toung, Corée du Nord), les régimes dictatoriaux (Le Chili sous Pinochet, l'Argentine sous Videla, la Grèce des Colonels, l'Egypte sous Nasser, l'Algérie sous Boumediene…), les démocraties (pour l'essentiels, les pays occidentaux, le Japon…), les régimes politiques en transition (Russie, Tunisie, Algérie…). Nous savons, notamment grâce à Hannah Arendt, que la différence entre dictature et totalitarisme n'est pas une question de nuance. Le nazisme est totalitaire parce que c'est un projet global, porté par des masses qui s'identifient à lui, naturellement porté à la conquête du monde extérieur. Rien à voir avec un satrape local, un tyranneau africain qui s'accapare les richesses de son pays en affamant son peuple, qui ne perdure que par la crainte qu'il suscite, en dépit de la haine qu'il inspire. Le seul projet du tyranneau est de durer et de se réserver des moyens de partir avec la caisse en cas de « malheur ».

Le fait que l'Algérie soit en transition signifie qu'elle est dans un jeu de bascule qui pourrait la projeter vers l'établissement d'une démocratie véritable mais qui pourrait tout aussi bien la renvoyer à la dictature. Retenons l'hypothèse vertueuse que cette phase de transition, en dépit de l'immobilisme qui en constitue le principal caractère apparent, nous permettra de progresser vers plus de maturité, plus de libertés, plus de transparence… Pour autant, la démocratie représentative telle qu'elle est pratiquée en Occident est-elle l'horizon souhaité ? Sinon, quel régime politique conviendrait à notre pays ?

LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE, UN REGIME A BOUT DE SOUFFLE ?

Winston Churchill disait de la démocratie qu'elle était « le pire des régimes, à l'exception de tous les autres ».

La démocratie représentative, telle qu'elle est pratiquée en Occident, est le produit de l'histoire de cette civilisation. Dans cette histoire, il y a les acteurs, et les rapports de force entre eux. Il y a aussi l'émergence puis le triomphe d'une culture, celle qui est née de l'avènement d'une classe sociale, la bourgeoisie. Celle-ci, parfois grâce à son seul pouvoir financier, à d'autres occasions par son alliance conjoncturelle avec les forces populaires, a arraché aux rois une partie de leur pouvoir et à même fini par les en dépouiller totalement. C'est ainsi que se sont passées les choses, en Angleterre et plus tard en France. Dans ce processus, la bourgeoisie a été capable de développer tout à la fois son pouvoir économique et financier, tout en fondant une nouvelle culture. C'est grâce à la maîtrise de ces deux domaines, que cette bourgeoisie a pu modifier à son profit les rapports de force, tout en nourrissant une très forte méfiance à l'égard du peuple. C'est ce qui explique que le suffrage universel n'a été instauré que par étapes, au terme d'une longue période durant laquelle la bourgeoisie occidentale a assis son hégémonie culturelle sur les autres classes sociales. Cela explique la mise en place, durant un moment de l'Histoire, du suffrage censitaire, qui n'était ouvert qu'aux personnes disposant d'un certain niveau de revenus. Les électeurs avaient ainsi toutes les raisons d'être attachés au nouvel ordre bourgeois. Ce n'est que lorsque la culture et l'idéologie bourgeoises se sont largement diffusées, jusqu'à leur intégration dans l'imaginaire populaire, que le suffrage universel a été inscrit dans les constitutions. Ce sont les élites, issues de la classe dominante, qui ont constituépour l'essentiel, qui constituent encore aujourd'hui, la « classe politique ». Ce sont ces élites qui se présentent aux élections et qui s'auto désignent comme « représentants du peuple », comme l'émanation de la « souveraineté populaire ». Il y a eu toutefois des épisodes durant lesquels les classes laborieuses ont pu être avoir des représentants choisis en leur sein. Cela a été notamment le cas dans les périodes où les partis communistes représentaient une vraie force. Il a fallu aussi des circonstances exceptionnelles, telles que la Deuxième Guerre Mondiale et la part prise par l'Union Soviétique et les résistances communistes dans la victoire sur le nazisme. Mais la classe bourgeoise veillait au grain. Elle a lâché du lest sur les revendications sociales mais restait vigilante sur le fait que la classe dominée na parviendrait jamais à prendre le pouvoir par les urnes…

Une illustration en a été donnée par les récents référendums qui ont été organisés il y a quelques années sur la construction européenne. Les organisateurs, expression de la classe dominante, avaient prévu que le « oui » l'emporte. Là où le « non » a gagné, on a fait revoter le peuple. En France par exemple, le pouvoir est même passé outre. Il a « oublié » le résultat des urnes et a choisi de faire avaliser le « oui » par l'Assemblée Nationale et le Sénat réunis en congrès, c'est-à-dire les « élites ». Ces mêmes élites se succèdent sur les plateaux de télévision pour déplorer la perte de crédit de l'Europe !

La démocratie occidentale est à bout de souffle, pour plusieurs raisons. Les dirigeants n'ont pas réussi à régler les problèmes économiques les plus cruciaux auxquels sont confrontés les peuples : l'emploi et le pouvoir d'achat. Ils ont été incapables de renouveler la question essentielle du sens, à un moment où la perte de celui-ci apparaît comme un symptôme majeur de la crise de civilisation que vit l'Occident. Les multiples scandales de corruption qui la secouent ont discrédité la représentation politique dans son ensemble, ce qui a fait le lit de la progression massive de l'extrême droite fasciste et xénophobe.

Parce qu'elle est le produit d'une histoire particulière, la démocratie représentative aurait du mal à s'enraciner aujourd'hui en Algérie. On n'y trouve aucun des facteurs ayant permis son développement en Europe. La bourgeoisie algérienne est embryonnaire. Elle est, dans sa majorité, d'essence prédatrice. Il y a peu de cas de capitaines d'industrie ayant fondé des entreprises ayant permis d'ajouter à la richesse du pays et de donner du travail aux Algériens. C'est plutôt une classe attentive à capter des parts plus ou moins importantes de la rente, et donc pas vraiment inscrite dans le développement et la durée. Il ne faut donc pas s'étonner que ce conglomérat n'ait pas réussi à créer une culture, à donner naissance à des élites susceptibles de servir de modèles aux autres classes sociales. En l'absence d'une telle classe, l'Algérie ne dispose pas de ce vecteur de dynamisme et de progrès qu'a été la bourgeoisie européenne, sans omettre le fait qu'elle a été aussi le fer de lance d'une politique de puissance à travers l'impérialisme et le colonialisme dont notre pays, et bien d'autres, ont connu les affres. Si la démocratie représentative est dans l'impasse en Occident, quel régime politique faudrait-il pour l'Algérie ?

UN REGIME POLITIQUE REPONDANT AUX BESOINS DES ALGERIENS :

Dans bien des domaines, le mimétisme est une absurdité, résultant d'une aliénation et d'une défaillance de l'intelligence. Cela est vrai aussi en politique. C'est ainsi qu'ont fait preuve d'aveuglement et d'incompétence les dirigeants de pays anciennement colonisés qui ont fait appel à des constitutionnalistes européens pour rédiger, au profit de ces Etats « nouveaux, des constitutions « clés en mains », alors que ces experts ne connaissaient rien des peuples concernés. Comme ne pas se souvenir des mots d'Ibn Khaldoun, et qui s'appliquent si bien ici, ainsi que dans bien des domaines dans lesquels la haine de soi exerce son impitoyable magistère : « Et le vaincu toujours imite le vainqueur… On voit toujours la perfection (réunie) dans la personne d'un vainqueur. Celui-ci passe pour parfait, soit sous l'influence durespect qu'on lui porte, soit parce que ses inférieurs pensent, à tort, queleur défaite est due à la perfection du vainqueur. Cette erreur de jugementdevient un article de foi. Le vaincu adopte alors tous les usages du vainqueur et s'assimile à lui : c'est de l'imitation (iqtidâ) pure et simple. » ?

Ibn Khaldoun s'inspirait d'Al Farabi, lui-même s'inspirant d'Aristote, notamment de l'une des leçons principales de la pensée de celui-ci : Il n'y a pas de constitution parfaite (comprendre « pas de régime politique parfait ») : il convient que chaque peuple trouve la constitution qui lui convient. Or, ne peuvent convenir que des institutions nées des « entrailles d'un peuple, de son histoire, de sa géographie, de son tempérament, de sa culture, de son imaginaire, des leçons qu'il a su tirer de ses expériences, heureuses et malheureuses. Al Farabi professait que le meilleur régime politique est celui dans lequel les âmes de ses habitants sont aussi saines que possible. Ses traités politiques accordent une très grande part à la question de l'âme humaine. Au début de ses « Aphorismes choisis », il va jusqu'à définir ce qui constitue selon lui la santé et la maladie de l'âme et du corps. Ainsi, la santé de l'âme consiste en ce qu'elle est telle qu'elle peut toujours choisir de faire ce qui est bien et de mener des actions nobles. À l'inverse, la maladie de l'âme consiste en ce que celle-ci n'est capable que d'actions mauvaises. La pensée d'Al Fârâbî définit la santé et la maladie de l'âme d'un point de vue avant tout moral. Il est frappant de voir que la santé et la maladie du corps sont définies dans les mêmes termes, à une exception près, de taille : le corps ne peut rien faire s'il n'a pas été activé par l'âme. Ainsi, nous retrouvons la primauté de l'âme sur le corps, héritée d'Al-Râzî.

Depuis 1962, l'Algérie vit à côté de son histoire, dont le peuple a été expulsé. Cette expulsion n'a pas commencé avec la colonisation. Elle remonte loin dans le temps puisque l'Empire Ottoman a exercé sa souveraineté en Algérie sous couvert de Califat. Même s'il n'a pas laissé une trace globalement positive dans le pays, on ne peut mettre sur le même plan la manière dont il a administré l'Algérie et les horreurs qui ont été la marque de la colonisation française…

Le peuple algérien a été en certaines circonstances acteur de son destin, d'abord en résistant à l'invasion coloniale, puis à la domination française, enfin en menant une guerre de libération couronnée de succès en 1962. Peu à peu, il a été dépossédéde sa victoire par une minorité qui a pris le pouvoir par la force en prétendant savoir, pour lui et à sa place, ce qui lui convenait. Cette minorité a surtout brillé par son incompétence et par l'indigence de sa pensée. Il est vrai qu'il y a une énorme différence entre le peuple algérien de la période de la guerre de libération et celui d'aujourd'hui. Constat amer : sans ignorer le contexte ni la longue chaîne des échecs qui ont mené l'Algérie au désastre à la fin des années 1980, le peuple a manqué un rendez-vous crucial avec l'Histoire en choisissant un parti, le FIS, qui n'était rien d'autre qu'une version « islamisée » du FLN qui a ruiné le pays. Ce faisant, le peuple avait choisi de demeurer hors de l'Histoire. Il avait préféré la férule d'un père plutôt que l'émancipation et la responsabilité pour lui-même. Ce choix s'est révélé d'autant plus tragique que ses conséquences ont conduit à la décennie noire, et à la paralysie actuelle de la société, effrayée par la possibilité d'un mouvement, attentive à ne surtout rien changer par peur du retour des amants de l'apocalypse.

Ces constats nous mettent face à une vérité douloureuse : d'un côté des dirigeants incompétents et de l'autre, un manque de discernement de la part du peuple. Il y a au moins un espoir, c'est que la tragédie des années 90 fasse progresser la lucidité et la maturité et qu'elle cesse de constituer un blocage mental. Comme disait Malraux, « il faut transformer l'expérience la plus large en conscience ».

LA NECESSAIRE SEPARATION DU POLITIQUE ET DE LA RELIGION

Le peuple algérien est musulman dans son écrasante majorité. Cela veut dire que l'Islam est très présent dans la vie de la société. Que l'on soit fervent pratiquant ou tiède, voire mécréant, nous avons les mêmes coutumes, la même façon de traiter nos vieillards, nos malades, la même manière de nous marier, d'enterrer nos morts, la même mémoire des légendes que portent à travers les siècles la mémoire de notre peuple. Ce sont des faits sociétaux, qui n'ont rien à voir avec la pratique politique. D'ailleurs, la pratique politique n'a pas à s'en saisir. C'est la société qui définit son mode de vie. Aussi, quand la politique se mêle de convoquer le sacré, le plus souvent de façon inopportune, elle n'est pas dans son rôle. Elle est chargée de veiller aux intérêts du peuple, à son éducation, à sa protection, à sa promotion, tâches dont elle s'acquitte pour l'heure bien mal. Serait-ce la raison pour laquelle nos dirigeants font assaut de démonstrations de religiosité ? Serait-ce pour faire oublier tous les échecs, tous les reniements, les mensonges, la corruption ? Croient-ils vraiment que le peuple est dupe ? Le mot « politique » n'existe nulle part dans le Coran. En revanche, on y trouve des recommandations abondantes qui doivent permettre aux musulmans de vivre ensemble : l'équité, la justice, le primat de la consultation, l'honnêteté…

Voilà des recommandations d'essence divine qui ne trouvent guère d'écho aujourd'hui. Il vaudrait bien mieux que nos gouvernants satisfassent à ces obligations plutôt que de faire assaut de religiosité dans l'espoir de complaire à leurs administrés. Nous aussi, citoyens Algériens, quelle que soit l'état de notre croyance, devrions nous en inspirer…

Le souvenir de la décennie noire, l'équipée sanglante de Daesh, les exemples qui abondent dans le passé de régimes « religieux » ayant commis des massacres contre leurs propres peuples devraient inciter à l'interdiction pure et simple de tout parti politique se réclamant explicitement de la religion…

Sans doute est-il nécessaire de parvenir à une forme de sécularisation. John Locke, dans une déclaration au bon sens bienvenu, souligne dans son « Traité sur la tolérance » que « tout le pouvoir du gouvernement civil n'a rapport qu'aux intérêts civils, se borne aux choses de ce monde et n'a rien à voir avec le monde à venir. »

La Charia est souvent présentée, à tort, comme étant la loi divine. C'est oublier qu'elle a été élaborée deux siècles après l'avènement de l'Islam. Certes, elle s'appuie sur le Coran mais elle n'en constitue qu'une lecture possible, qui a donné lieu à un texte ressortissant à 95 % du droit positif (lois, règlements, jurisprudence à partir des décisions de tribunaux et, en particulier, de cours suprêmes, de doctrines à base d'écrits de théoriciens du Droit…). Au nom de quoi cette production humaine a-t-elle acquis ce statut qui lui confère une autorité absolue, et, surtout, suscite le rejet par avance de toute autre interprétation ? Comme le signifie Mohamed Talbi, pour les musulmans, « Seul, le Coran oblige ! ». A titre indicatif, les châtiments tels que la lapidation des femmes adultères ou l'amputation de la main pour les voleurs ne figurent nulle part dans le Coran. La Charia se prêt donc tout à fait à un effort d'adaptation aux nécessités du temps, au nom d'une modernité bien comprise.

Par ailleurs, quelle peut bien être la nécessité d'inscrire la référence à la religion dans la Loi Fondamentale, dans un pays à 95 % musulman, au moins de culture ? Est-ce que les rédacteurs de la Constitution pensent vraiment que cette inscription est de nature à protéger l'Islam ? C'est d'autant plus ridicule que la Constitution elle-même, celle qui est censée couler dans le marbre les « constantes » de la Nation, est foulée aux pieds par les pouvoirs successifs. Elle a perdu son caractère « sacré » depuis qu'elle s'est ajustée aux prolongations de mandats présidentiels successifs et qu'on songe à les torturer une nouvelle fois pour remettre la clause de limitation de ces mêmes mandats !

D'une manière générale, il faut en finir avec la matrice de la contrainte exclusive. Il n'est pas inutile de rappeler que la liberté de conscience est reconnue dans le Livre : « Croit qui veut, mécroit qui veut ». Il n'est donc pas dans les attributions d'un gouvernement, quel qu'il soit, de faire régner un prétendu « ordre moral ». Bien entendu, il ne s'agit pas non plus de laisser libre cours à des comportements qui provoquent la traditionnelle pudeur, liée à l'éducation que nous avons reçue depuis l'enfance. Il s'agit de laisser la liberté à chacun de se déterminer, tout en imposant à tous les règles de civilisation que nous avons en partage. Songeons qu'au Moyen-Age coexistaient en terre d'Islam musulmans, juifs, chrétiens, agnostiques, Arabes, Berbères, Chinois, Perses... Cette période correspond à l'âge d'or de l'Islam, quand il illuminait le monde. Cette diversité a disparu pour faire place à une société monocolore, intolérante, régie par la contrainte. Cette même société a abandonné depuis des siècles toute prétention à dire quelque chose au monde, à participer à sa marche en contribuant à son développement économique, politique, artistique. Relation de cause à effet ? Sans nul doute.

Le rôle de l'Etat est de garantir à tout un chacun sa sécurité, son éducation, l'accès aux soins, une citoyenneté qui ne soit pas nécessairement d'essence religieuse… Il n'est surtout pas celui d'un gardien de la morale. Il est au service de tous les citoyens, indépendamment de leur religion ou de la profondeur (apparente !) de leur foi. Qu'il s'acquitte de ses obligations et qu'il laisse la société régler les questions qui la concernent. Cela fait si longtemps que le peuple a été privé de son droit à la parole, si longtemps qu'on décide pour lui… Nous nous garderons de tomber dans ce travers en lui apportant des « solutions toutes faites du haut de notre « expertise ». Redonnons-lui la parole, invitons-le à débattre de son avenir…

Pour notre part, nous avons fait des propositions, sur deux points notamment : impossibilité de transposer la démocratie représentative occidentale en Algérie, séparation réelle entre politique et religion. Il faut, à notre sens, rendre la parole au peuple, non pour un référendum mais l'inviter à débattre, à faire des propositions. Il y faut une organisation pour que cette parole circule du douar jusqu'à la ville. Inspirons-nous du précédent du débat sur la Charte Nationale de 1976, à ceci près que, cette fois, il ne doit pas être question d'instrumentalisation ni de déni de la parole populaire.

* Physicien, Université de Cergy-Pontoise

** Politologue, Université Paris-Descartes Sorbonne

Lire la suite: Epilogue

   

PUBLICATION DU Pr KHELIL .2

Curieux endroit qu'a choisi le Pr KHELIL pour situer le déroulement de son histoire. Ce choix en réalité n'est pas fortuit: ce phénomène de la file d'attente révèle l'un des malaises chroniques que ressent le citoyen algérien. Pour les deux acteurs de ce roman ce lieu constitue l'observatoire idéal pour scruter, observer et sentir physiquement le resenti de ce malaise social. Le dialogue des deux amis, l'un agronome l'autre journaliste, passe en revue tous les problèmes qui empoisonnent la vie quotidienne de l'algérien. Dans l'épilogue l'auteur propose des solutions basées sur des études scientifiques qui doivent accompagner une réforme en profondeur de notre système socioéconomique et donc politique. Comme d'habitude chaque publication du Pr KHELIL constitue une nouvelle contribution positive  au débat national.A.B

Couverture chos files dattente

   

POINT DE VUE

L’OLIVIER : CE SYMBOLE DE RÉSISTANCE ET DE  L’IDENTITÉ PALESTINIENNE VANDALISÉ PAR                      LES COLONS SIONISTES HAINEUX ET CRIMINELS

_______________________________________

Abdelkader KHELIL*

Depuis l’Antiquité, l’Histoire nous a appris que l'olivier occupe une place de choix dans les civilisations méditerranéennes et l'esprit des hommes et des femmes qui les composent. Il symbolise tout au moins pour les trois religions monothéistes : la paix, la sagesse et l'harmonie. En fait, il a toujours été considéré comme l’arbre vital des peuples méditerranéens vivant dans son aire géographique de prédilection, mais aussi, pour de nombreuses communautés dans le monde qui ne cessent d’apprécier fortement son huile et ses vertus médicamenteuses.

   C’est dire, que l’acte de conserver, de défendre et d’élargir la culture de l'auguste olivier est un impératif croissant à l'heure où le monde cherche désespérément les moyens et les ressources végétales lui permettant de s'adapter au changement climatique, alors que l’empire du mal avec ses armes de destruction massive, sa stratégie et politiques de non développement global s’entête à dégrader notre planète pour imposer son esprit mercantile, dominateur et destructeur au service d’intérêts égoïstes de sa minorité hégémonique.


Lire la suite...
   
7737071
AUJOURD'HUI
HIER
CETTE SEMAINE
CE MOIS
All days
1053
6358
20717
46002
7737071

   

avril

19

vendredi

   

METEO MASCARA

Météo Mascara My-Meteo.fr