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HOMMAGE A Mohammed OULD KABLIA  

Le jeudi 29 aout 2013 nous quittait Mohammed OULD KABLIA, Moudjahed, grand serviteur de l’état et ancien élève de notre lycée. Pour honorer sa mémoire, nous vous présentons sa biographie

Biographie de Mohamed OULD KABLIA

Mohamed Ould Kablia est né le 6 mai 1932 à Tanger où son père exerçait depuis deux années, la fonction d’officier de la garde du sultan Mohamed V. Il fait avec son frère Dahou et sa sœur Zoubida des études primaires dans cette ville avant le retour à Mascara de toute la famille en 1940 au lendemain de la déclaration de guerre entre l’Allemagne et la France.

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Le noeud gordien algérien-9°partie

Le nœud gordien algérien - Neuvième partie : L'absence de société

par Mustapha Benchenane Et Brahim Senouci

Dans la mesure où chaque Algérien est à lui seul une cacophonie linguistique ambulante et que son rapport à la croyance religieuse n'est pas vécu sereinement, il ne faut pas s'étonner que le trouble et l'inconfort qui le caractérisent soient une entrave à la communication et, partant, empêchent le lien social de se tisser. Or, pour faire « société » il faut disposer d'une langue commune dont le statut ne pourrait être remis en cause. S'agissant de religion, on ne peut certes contraindre personne à croire contre son gré. La foi est par essence individuelle. Toutefois, nous devons des valeurs civilisationnelles à l'établissement de l'Islam, ou plutôt à une forme de syncrétisme des cultures qui a réalisé leur symbiose avec les usages en vigueur chez les Berbères. Il ne s'agit pas de syncrétisme religieux. L'Islam a été adopté dans sa globalité. Pour autant, une grande partie des usages locaux ont été respectés et maintenus. C'est cette fusion qui fait l'algérianité d'aujourd'hui. Ce sont ces valeurs, largement intériorisées mais « oubliées », qui devraient donner le ton aux relations humaines.

Faire société ?

Qu'est-ce qui s'y oppose ?

Faire « société », c'est échanger et vivre ensemble ; c'est aussi partager un projet, avoir le même horizon. C'est ressentir une ardente et commune obligation d'œuvrer à l'atteindre. Ces conditions créent la confiance indispensable pour être dans une relation durable avec les autres. Pour l'heure, c'est plutôt la défiance qui prévaut dans les relations humaines. Elle est présente, en permanence. Elle est parfois justifiée, il est vrai. Les passe-droits sont devenus la norme. Les différents concours organisés pour l'accès à un poste dans l'administration, pour intégrer un cursus de magister ou de médecin spécialiste, les décisions judiciaires, sont frappés du sceau du soupçon. On se méfie aussi du collègue que l'on imagine en conspirateur travaillant à sa promotion individuelle au détriment des autres. Même les tirages au sort organisés pour les voyages aux Lieux Saints suscitent l'incrédulité. Alors, chacun se débrouille, tout seul. Une pratique est en train de se généraliser et qui donne une idée assez juste du climat qui règne dans le pays. Il est d'usage désormais de dissimuler tout de son activité. On n'annonce pas un départ en voyage, même à ses proches. Il y a parfois des conséquences gênantes. Ainsi, ces deux amis oranais qui se séparent un soir après une pause dans un café de la ville, en se disant « Bonne soirée et à demain » et se retrouvent le lendemain matin dans l'avion qui va à Paris… Un tel climat explique l'absence de relations paisibles et durables entre les gens. Il explique aussi l'agressivité, voire la violence, qui imprègne les rapports humains. La « défaillance » de la société laisse l'individu seul, désarmé, impuissant. Il trouve alors un palliatif dans des comportements de débrouillardise, dans des systèmes d'identification et d'appartenance partiels : la famille, quand elle n'est pas elle-même en crise, ce qui est courant, le clan, la tribu, la région, l'ethnicité. En fait, on privilégie la sphère intime pour tenter de recréer le réflexe de solidarité…

Une autre forme de dévoiement se traduit par la corruption, la transgression, le refus des limites. Ces pratiques sont à l'œuvre tous les jours. Elles touchent l'ensemble de la société. Bien qu'anecdotique, la circulation automobile est un reflet fidèle de cette situation. Conduire en Algérie est une véritable épreuve de force permanente. Personne ne veut céder un pouce de terrain. Les feux rouges sont allégrement ignorés. Cette conduite, ou plutôt cette inconduite, a plusieurs pendants, souvent tragiques, tel celui qui fait de l'Algérie l'un des pays dont les routes figurent parmi les plus meurtrières au monde. La corruption est un fléau qui n'est même plus considéré comme tel. Il imprègne les modes de vie. Ceux qui peuvent payer paient, ceux qui ne le peuvent pas mendient, supplient. Ce sont eux qui forment la majorité des prisonniers, des hittistes, des laissés-pour-compte. Ce sont eux qui font l'ordinaire des poissons cannibales de la Méditerranée, eux encore qui ont pris l'habitude de s'immoler par le feu dans une quasi indifférence générale.

Une illustration concrète de l'absence de « société »

Une anecdote révélatrice : dans une ville moyenne, quelque part en Algérie, un nouveau lycée est construit. Les autorités de la ville, toujours soucieuses d'annoncer des bonnes nouvelles de nature à leur valoir les faveurs de la haute administration, décident de l'inaugurer… un mois de décembre. En plein milieu de l'année scolaire donc ! Le lycée n'est pas équipé, pas chauffé, dépourvu de toilettes en état de fonctionner. Qu'à cela ne tienne. Les autorités soutiennent mordicus que le lycée sera livré en décembre. Se pose la question des élèves. En cette période, tous les jeunes gens en âge d'y être fréquentent les autres lycées de la ville. Jamais en panne d'inspiration, les autorités, toujours elles, enjoignent aux élèves qui relèvent du secteur géographique du nouvel établissement de quitter leurs lycées pour le rejoindre immédiatement. Cette injonction crée l'émoi que l'on imagine. Chez les élèves de terminale, c'est carrément la panique. Les parents des élèves concernés par ce déménagement brutal décident de faire front. Ils se constituent en collectif et font le siège de la mairie, de la wilaya, de la direction de l'éducation. Ils obtiennent gain de cause en ce qui concerne les élèves de terminale. Ils seront autorisés à rester dans leurs établissements jusqu'à la fin de l'année scolaire. En revanche, les autres devront se plier aux ordres des autorités. Le collectif des parents maintient la pression mais celle-ci va en s'affaiblissant. Le nombre de protestataires diminue. Seul, un noyau dur continue de manifester pour faire rapporter cette règle à la fois injuste et stupide.          Ce noyau dur se saborde quand ses éléments se rendent compte que les parents qui l'ont quitté ont obtenu gain de cause pour leurs propres enfants, en faisant jouer leurs relations. Ceux qui ont poursuivi le combat jusqu'au bout ont vu, la mort dans l'âme, leur progéniture quitter les lycées où ils avaient leurs amis, leurs habitudes, l'atmosphère familière si propice à leur épanouissement, pour retrouver le froid glacial d'une bâtisse inachevée, ouverte aux quatre vents, une triste gamelle au fond de leurs cartables pour pallier l'absence de cantine et de vendeurs de sandwichs. La citoyenneté s'apprend à l'école. Comment persuader ces jeunes gens, ayant vécu l'ostracisme et l'injustice, de la noblesse et de l'efficacité de l'action collective, dans le respect du droit, quand leurs aînés leur en donnent une si piètre illustration ?

Des contre-exemples ? Il y en a !

L'Algérie est le théâtre d'une sorte de théâtre d'un « entredeux » permanent. Le meilleur y côtoie sans cesse le pire, et dans tous les domaines. Les contre-exemples relatés ci-après en donnent une excellente illustration.

 Ces dernières années, on a assisté en Algérie à l'éveil d'une réelle conscience écologique. Trois exemples peuvent notamment être cités pour témoigner de son existence. En mai 2011, des relevés topographiques sont effectués dans une petite forêt, le Bois des Pins à Hydra, quartier huppé d'Alger. Les habitants apprennent que ces activités préparent l'arrachage de l'ensemble des arbres de cette forêt pour faire place à un complexe de 12 étages. La procédure légale a été bafouée. Aucune enquête préalable de commodo et incommodo n'a été menée auprès des riverains, tenus dans l'ignorance totale, y compris de l'existence d'un permis de lotir. Devant cet état de fait, les riverains s'organisent en collectif et décident de mener la bataille pour faire capoter le projet. Les autorités ne s'attendaient certes pas à cette levée de boucliers. Ils n'imaginaient pas que des Algériens pouvaient se révolter pour sauver des arbres ! Le combat a été très rude. Les recours légaux ont tous échoué, en dépit de l'article de la loi algérienne qui « punit de dix ans de prison l'arrachage volontaire d'un arbre sans autorisation ». Des affrontements sévères ont opposé les habitants aux forces de police, faisant plusieurs blessés. En définitive, la forêt a été rasée mais le comité de quartier continue de se battre sur le plan juridique pour récupérer l'assiette de terrain et y replanter une nouvelle forêt.

En 2014, l'ARC (Association des Résidents de Canastel), une association de jeunes habitants de Canastel, près d'Oran, décide de s'opposer à des promoteurs immobiliers qui visent à détruire une partie de la célèbre forêt pour y construire des villas. La déforestation a déjà commencé. Des constructions ont émergé. Il s'agissait donc, dans un premier temps, d'arrêter le massacre puis, dans un deuxième temps, de raser ces constructions. A force de ténacité et d'intelligence collective, l'association est parvenue à ses fins. La forêt de Canastel est désormais sous protection et rendue à ses riverains. Bien sûr, les appétits sont encore présents mais les citoyens veillent. Il faut noter que l'association est toujours restée cantonnée aux formes légales de protestation. Le gouvernement algérien a décidé de se lancer dans l'exploitation du gaz de schiste. Les premières fracturations ont eu lieu dans le Sud, dans la région d'In Salah notamment. Les autorités comptent bien sûr sur cette nouvelle manne pour suppléer la baisse des réserves d'hydrocarbures classiques et la chute actuelle des prix. La population d'In Salah a manifesté une très forte opposition aux forages. Elle n'était sans doute pas guidée principalement par des considérations écologiques. Cette population est pauvre, déshéritée.    Des décennies d'exploitation pétrolière ont permis au pouvoir d'engranger d'énormes rentrées de devises. Ces rentrées n'ont bénéficié en rien aux populations qui vivent à proximité des puits. Le trachome, l'analphabétisme, la mortalité infantile, sont des réalités très présentes dans ce Sud si généreux. Et voici que ces populations, oubliées de la période faste du pétrole abondant et cher, sont sommées d'accepter que leur eau, leur environnement, soient empoisonnés pour que l'Etat puisse continuer d'engranger de la richesse dont ils ne verront pas les effets, de la richesse dont se goinfreront les prédateurs habituels... C'est donc une révolte à caractère plus social qu'écologique. Il se trouve que de très nombreux Algériens du Nord sont désormais sensibles aux risques que fait courir ce type d'exploitation. Comment ne le seraient-ils pas puisque des entreprises françaises s'engagent dans cette entreprise en Algérie alors qu'elle est interdite en France ? Il y a donc eu jonction entre le social et l'écologie et formation d'un arc suffisamment large pour inquiéter le gouvernement et l'amener à composer. Pour l'heure, il n'a toujours pas reculé. Il teste sans doute la ténacité et la pérennité du mouvement…

Le Pouvoir, un alibi commode !

Ne nous voilons pas la face. Ces réactions restent minoritaires, mais elles rencontrent un vrai capital de bienveillance auprès de la population. La bienveillance ne suffit pas toutefois. Elle ne saurait masquer les tares de la société, celles-là même qui donnent la puissante impression d'improvisation, de désordre, voire de chaos, que l'on éprouve quand on observe les Algériens dans leur vie au jour le jour… Conscients tout de même de cela, ils en imputent la responsabilité aux gouvernants, à qui ils prêtent des pouvoirs presque surnaturels. Ainsi, ils assument le fait de ne pas avoir la moindre part dans ce qui leur arrive, qui ne peut être que le fruit de la volonté d'hommes de l'ombre machiavéliques, tout-puissants, qui gouvernent, manipulent, tirent les ficelles…Les gens, majoritaires, qui tiennent ce discours ne réalisent sans doute pas qu'ils accréditent l'idée qu'ils ne sont que des marionnettes et donnent corps au mépris dans lequel les tient le Pouvoir. Que celui-ci s'accommode de l'absence d'une « société » est infiniment probable. Quoi de plus banal, en somme ? Sous tous les cieux, le Pouvoir aspire à durer. C'est encore plus vrai en Algérie. Qu'il se satisfasse de l'inexistence d'une force susceptible de le contester n'a donc rien d'étonnant. Que l'on en tire argument pour expliquer l'immobilisme actuel est tout simplement ahurissant ! Parmi les indices patents de l'absence d'une société, il y a le fait que la majorité des gens refuse d'examiner l'idée qu'ils pourraient avoir une part de responsabilité dans leur situation personnelle et dans l'état du pays. Cette majorité s'en affranchit en désignant un pouvoir démiurge, capable de façonner à sa guise une population inconsistante. En réalité, il n'y a pas un « bon peuple » asservi par des « mauvais gouvernants ». Il y a, au contraire, une parfaite complémentarité entre eux.

La responsabilité du peuple

La férule est plutôt légère en Algérie. Il y a des espaces de liberté que l'on devrait mettre à profit pour s'organiser, débattre, réfléchir. Il y a des pays qui ont ou sont encore dictatoriaux, voire totalitaires. Pourtant, il y a eu une société soviétique. Il a bien fallu qu'elle existe pour assurer la permanence du Bolchoï, de Boulgakov. Il a bien fallu qu'elle existe pour que, y compris sous Staline, on continue d'écouter Rachmaninov ou de lire Dostoïevski. Il y a eu une société cubaine, une société roumaine. Certes, à l'époque des dictatures, il n'y avait pas de société civile. Le débat, la critique, étaient proscrits. Mais il y avait le souci collectif de faire en sorte que perdure, au-delà des vicissitudes de la politique, l'âme d'un peuple… Que faisons-nous de notre liberté en Algérie ? Plutôt que de l'utiliser à des fins bénéfiques, nous l'utilisons le plus souvent pour la violence. Les émeutes sont devenues la réponse indépassable au malaise collectif. A la faveur de ces émeutes, on brûle les bâtiments administratifs, mais il arrive que l'on incendie des écoles, et même que l'on agresse des citoyens innocents. Il y a des intelligences individuelles innombrables. C'est l'intelligence collective qui fait défaut. Ce qui l'empêche d'émerger, c'est la dissociation identitaire dont la conséquence peut aller jusqu'à un trouble du comportement, rendant impossible l'existence d'un lien social.

Nous rendrons compte dans notre prochaine livraison des causes qui nous paraissent relever du politique.

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Le noeud gordien algérien-8°partie

Le nœud gordien algérien - Huitième partie : La crise dans le système de croyance

par Mustapha Benchenane* Et Brahim Senouci**

On touche là à une dimension «explosive» s'agissant des causes du problème identitaire, puisqu'elle concerne le sacré, la religion. S'il fallait donner un poids aux différentes composantes de l'identité, la religion et la langue constitueraient 90 % de l'ensemble. 

LE RAPPORT A LA RELIGION EST AMBIGU ET COMPLEXE 

La crise de l'identité en Algérie s'explique en grande partie par la disjonction patente entre la pratique religieuse et l'éthique. Bien sûr, ce phénomène n'est pas nouveau. Il y a toujours eu des gens suffisamment peu scrupuleux pour afficher une piété ostentatoire, tout en prenant des libertés avec la morale. Toutefois, cette attitude était probablement moins répandue durant les dernières décennies, y compris durant celles de la colonisationet, et c'est le plus important, elle suscitait le rejet de la part de la communauté. Avant le vent de consumérisme et de rapine qui souffle sur l'Algérie d'aujourd'hui, les comportements étaient imprégnés par un souci de ne pas heurter la sensibilité ambiante, largement formée par la prégnance d'un Islam paisible, sans affectation. Il y avait sans doute moins de monde dans les mosquées, mais aussi beaucoup moins d'agressivité dans les rues, moins de violence, moins d'intolérance. Le magistère religieux n'était reconnu qu'à quelques rares anciens, autant sans doute pour leur connaissance des textes que pour leurs qualités personnelles, leur honnêteté, leur dévouement, leur désintéressement. La religion jouait le rôle que lui assigne son étymologie, celui de relier les individus, d'assurer leur cohésion. L'Islam a joué ce rôle pendant des siècles. Encore une fois, il a pu le faire parce qu'il n'était pas excluant. Bien sûr, il y avait une incitation permanente adressée à la société pour que ses membres observent scrupuleusement la lettre des dogmes. Pour autant, ceux qui ne s'y soumettaient pas n'encouraient pas l'ostracisme. Ils participaient aux activités collectives. Ils s'abstenaient toutefois de manifester publiquement leur « différence ». En fait, même s'ils ne pratiquaient pas, même s'ils n'avaient pas ou peu de foi. Ils étaient culturellement musulmans. En tant que tels, ils tenaient pour leurs les valeurs de la civilisation née dans le creuset de l'Islam. Le respect des minorités religieuses était la règle. Il est de bon ton en Occident de blâmer les sociétés musulmanes pour le statut de « dhimmitude » qui était réservé aux non-musulmans. Si ceux qui tiennent ce genre de propos avaient la curiosité de s'intéresser au sort des non chrétiens en Occident, peut-être s'abstiendraient-ils de les tenir. Il valait certainement mieux être dhimmi dans l'Andalousie musulmane que musulman ou juif sous le règne de Ferdinand et d'Isabelle la catholique. A titre simplement anecdotique, le représentant officiel de l'Emir Abdelkader, celui qui était investi de sa confiance totale et qui lui servait de porte-parole dans les négociations avec les généraux de l'armée française était un certain Duran, juif… 

Aujourd'hui, une telle situation serait inconcevable. La discorde est devenue la norme au sein même de l'Islam. Bien souvent, des mouvements venus d'ailleurs ont réussi à avoir pignon sur rue. Il ne s'agit pas de simples différences de lecture ni d'innovations inoffensives. Ce sont des contradictions tellement profondes qu'elles en deviennent meurtrières. Entre sunnisme et chiisme, c'est une vieille histoire, un différend politique qui a débouché sur une guerre séculaire, sans merci. Des tensions se sont manifestées au sein même du sunnisme. L'Algérie y échappait parce qu'elle était plutôt une terre de soufisme. Les innombrables zaouïas qui y cohabitaient ne se faisaient pas la guerre. L'intériorisation de la religion qu'elles prônent, l'omniprésence de l'émotion dans les manifestations religieuses, en faisaient un des piliers de la société algérienne. Elles assuraient également un rôle éducatif et caritatif. Les grandes rencontres annuelles qu'organisaient les plus prestigieuses d'entre elles drainaient un flot immense de visiteurs venus communier, par le dhikr, la répétition du nom de Dieu, la transe parfois. Méprisée, à tort, et combattue notamment par l'Association des Oulémas, cette forme de culte populaire s'est longtemps imposée en Algérie avant de disparaître presque totalementsous les coups de boutoir de l'intégrisme conquérant. 

C'est ainsi qu'on est passé d'une pratique simple, modeste, mais aussi populaire et joyeuse à un rituel sévère, sans compromis. Les injonctions se sont mises à pleuvoir, sur la tenue vestimentaire, les habitudes alimentaires. Tout le monde s'est mis à légiférer. Tout le monde est devenu exégète et un jeu pervers s'est instauré, une sorte de compétition dans laquelle c'est le plus sévère, le plus intolérant qui gagne. La majorité des conversations a fini par tourner autour des mêmes sujets, devenus obsessionnels. Des siècles de pratique paisible ont cédé devant un rigorisme totalement inconnu jusqu'alors. On pouvait être taxé de mécréant parce qu'on ne faisait pas sas ablutions selon la norme édictée par telle chapelle. Des imams ont été excommuniés. Prier dans leurs mosquées était considéré comme une marque d'impiété. Peu à peu, une partie de la population s'est rigidifiée. Tournant le dos à la vie, ses membres n'ont pour seul horizon quotidien que la recherche éperdue d'une version toujours plus « pure », toujours plus dure de la pratique religieuse. La société algérienne s'est adaptée à cette nouvelle réalité, mais de la pire des façons, en « faisant semblant ». Tout le monde va à la mosquée, la majorité des femmes sont voilées. Le problème, c'est que ce beau résultat n'est pas le fruit d'une conviction intériorisée. Il est le fruit du conformisme et de la peur d'en sortir. Et puis, l'hypocrisie que révèlent ces louvoiements s'est banalisée. La croyance religieuse, que l'on veuille se l'avouer ou non, s'est affaissée. Inconsciemment, on y répond par un surcroît d'ostentation, de religiosité, par le vêtement, le système pileux, le choix des thèmes de conversation… 

Il a été dit dans la partie consacrée aux « symptômes » que les manifestations ostentatoires d'appartenance religieuse, l'excès de religiosité, signent, expriment le doute sur la croyance que l'on affiche avec tant de force, de rigidité, d'intolérance. L'Islam est devenu pour beaucoup un masque derrière lequel on peut se livrer aux pires turpitudes, de la femme voilée qui se sert de son cache pour donner libre cours à ses mœurs dissolues, à ceux qui égorgent et massacrent au nom de leur « Islam », en passant par ceux qui, au quotidien, n'ont que Dieu en paroles mais qui se comportent en prédateurs. Il y a ceux aux yeux desquels ces dévoiements discréditent l'Islam lui-même et qui s'en éloignent, soit pour se convertir à d'autres religions, soit pour devenir athées. 

Le constat d'une dérive par rapport à la religion est fait notamment par les « islamistes » qui ont tort sur deux points : d'une part lorsqu'ils prétendent incarner le « vrai Islam », d'autre part quand ils affirment que « Tout est dans le Coran » et qu'il suffirait d'y revenir pour que tous les problèmes trouvent leurs solutions. Cette approche conduit systématiquement au totalitarisme. 

Les Occidentaux, quant à eux, sont convaincus que l'Islam, sous quelque forme que ce soit, est responsable de tout ce qui ne va pas : le sous-développement et l'impuissance des peuples musulmans, le fanatisme, le terrorisme, l'échec de l'intégration des jeunes issus de l'immigration musulmane en Europe… Il s'agit là, en fait, de préjugés et d'un très vieux contentieux qui est né quasiment dès l'apparition de la religion musulmane. Parmi ceux qui pensent ainsi, il en est qui font la guerre à l'Islam et aux musulmans auxquels ils adressent le message suivant : « vous ne serez respectables et acceptés par nous que si vous cessez d'être musulmans ». Mais, en même temps, il faut rester lucide : la crise au sein de l'Islam n'est pas due pour l'essentiel, à des coups de boutoir assénés de l'extérieur. L'Islam et les musulmans s'affaiblissent de l'intérieur… 

L'Etat y a puissamment contribué. En effet, au commencement de ce processus, il y a l'usage qu'ont fait de la religion ceux qui nous gouvernent depuis 1962. D'abord, ils ont inscrit dans la constitution l'islam comme religion de l'Etat algérien. Cette affirmation à laquelle ils voulaient donner une dimension éminemment politique, révèle leur ignorance à au moins deux égards : ils n'ont pas compris que l' « Etat » est une abstraction, un concept. Dès lors, comment l'Etat ainsi défini pourrait-il s'identifier à une religion ? Il est vrai que ce concept, par la suite, se traduit par une forme d'organisation politique et administrative de la Cité, de la communauté vivant sur un même territoire. En même temps, ils n'ont pas compris que cette organisation doit être fondée sur des préoccupations et des finalités rationnelles. Ils ont oublié (mais peut-être l'ignoraient-ils ?) que le mot « politique » n'apparaît pas dans le Coran et que, en outre, le Prophète Mohamed (QSSL) a été amené à diriger la communauté par les circonstances et pas seulement par sa propre volonté. Il s'y est pris de façon empirique et les enjeux ainsi que les rapports de force n'ont pas été étrangers à la manière dont il a exercé l'autorité. 

Ils ont aussi instrumentalisé la religion pour justifier et légitimer leur politique. On s'est ainsi servi de l'Islam pour faire accepter le « socialisme », la « révolution agraire », le parti unique… Cet usage a fait de la religion une idéologie légitimante. Ces politiques ayant échoué, les instruments qui ont servi à les faire passer dans l'opinion publique se trouvent automatiquement affectés et, à long terme, partiellement disqualifiés. 

Certains prônent l'instauration de la laïcité en Algérie. Avant d'examiner la pertinence de cette proposition, quelques mots sur les origines historiques de ce concept et les conditions de son application. 

La laïcité prévaut notamment dans deux grands pays européens, la France et la Turquie. En ce qui concerne la France, elle a été instituée par la loi de 1905. Cette loi constitue le point d'orgue d'une grande bataille qui a opposé la « France d'en bas » à la « France d'en haut », pour reprendre une terminologie qui a fait fortune. L'Eglise, alliée à la noblesse et à la monarchie, exerçait une emprise très importante sur la population. Elle heurtait par sa munificence la pauvreté du petit peuple. Une véritable haine de la « calotte » s'est ainsi développée dans le tiers-état français, qui a abouti à l'éjection de l'Eglise de la sphère civile. En Turquie, la laïcité a été imposée par Mustapha Kemal Atatürk. Les raisons sont multiples : le souci de maintenir la Turquie dans le giron de l'Europe passait par le retrait de l'Islam, facteur d'altérité, du devant de la scène. Il y a eu aussi la haine réelle qu'inspirait à Atatürk le Moyen-Orient arabe, dont il n'avait pas avalé ce qu'il considérait comme une trahison, à savoir l'alliance avec les Anglais contre l'Empire Ottoman. 

Une des manifestations de ce ressentiment a été l'exclusion des caractères arabes au profit des caractères latins dans l'alphabet turc. Ainsi, ces deux exemples montrent que la laïcité est le fruit d'une guerre, en France celle menée contre un régime monarchique absolu à travers son bras (moral) armé, l'Eglise, et en Turquie celle conduite par les Arabes alliés aux Anglais contre la Sublime Porte. 

D'autres pays d'Europe et du monde ne sont pas du tout laïcs. C'est le cas des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne. Ce sont des pays sécularisés. La religion participe à la vie de la Cité mais sans la régenter… Un exemple ? 

Un autre malentendu concerne le rapport entre religion et « modernité ». Dans ce domaine, les islamistes et les occidentaux se rejoignent sur l'essentiel.Pour les occidentaux, les musulmans doivent, s'ils veulent rejoindre la « communauté des peuples civilisés », se moderniser, à leur sens s'occidentaliser. Cette « conversion » doit concerner tous les domaines de l'existence individuelle et collective : les modes de pensée, les mœurs, la façon de s'habiller, de se nourrir et, bien évidemment, les institutions, la nature des régimes politiques… 

Les islamistes répliquent que la « modernité » ainsi conçue n'est que l'une des dimensions du « complot judéo-chrétien » qui se trame contre l'Islam et les musulmans pour les faire disparaître. 

La plupart des « penseurs » occidentaux soutiennent que la modernité passe par une « sortie de la religion », ainsi que la reconnaissance de l' « individu » comme valeur suprême. 

Or, étymologiquement, « modernité » signifie « récemment », « juste maintenant ». A l'origine, on l'opposait à la « tradition ». 

En vérité, la « modernité » n'est pas autre chose que l'élan vital qui pousse un peuple à évoluer, à s'adapter, justement pour ne pas être anéanti dans son identité. En cela, modernité et tradition sont complémentaires, voire fusionnelles. Une des définitions de la modernité n'est-elle pas « la revisitation critique du patrimoine » ? 

On perçoit à travers ce débat sur la modernité que la question de l'identité ne se joue pas à huis clos, à l'intérieur des frontières de chaque pays. Cela se comprend si l'on a à l'esprit que ce qui prévaut à l'échelle planétaire, ce sont les rapports de force dans tous les domaines. L'une des dimensions de ces rapports de force est trop souvent négligée alors qu'elle est cruciale : c'est la dimension culturelle. Il existe à l'échelle de la planète un modèle culturel dominant dont les promoteurs ont la conviction qu'il est le meilleur. Ce modèle est par essence expansionniste et se donne pour finalité une standardisation des modes de vie à l'échelle du monde. Il a partiellement réussi dans ses ambitions hégémoniques. La vraie puissance est globale et elle comporte non pas seulement la capacité de projection de forces militaires, mais aussi, mais surtout celle des idées. 

L'Islam étant une composante essentielle de l'identité en Algérie et dans le monde musulman, les islamistes s'en servent comme d'un bouclier culturel pour résister à l'expansion du modèle dominant. Mais ils le font de la pire des manières : par la crispation, l'intolérance, le fanatisme, la fermeture aux autres, la régression historique. 

L'identité repose donc principalement sur deux piliers : la langue et le système de croyance. Pour autant, il ne faut naturellement pas négliger l'Histoire et la géographie. 

S'agissant de la religion, force est de constater, en dépit des apparences, un essoufflement du système de croyance. C'est l'une des causes essentielles de la crise de l'identité. 

Parmi les autres causes intimement liées à la dimension linguistique et à la relation équivoque avec la religion, il y a l'absence d'une société digne de ce nom. Ce sera l'objet de la prochaine livraison. 

* politologue, Université Paris-Descartes Sorbonne 

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Le noeud gordien algérien-7°partie

Le nœud gordien algérien (septième partie) : L'identité et l'absence d'une épine dorsale linguistique

par Mustapha Benchenane* & Brahim Senouci**

La langue est le cœur, le noyau dur, la clé de voûte de l'identité d'un peuple. Si nous mettons autant de gravité, voire d'emphase, dans  cette affirmation, c'est parce que nous constatons qu'elle est loin de faire l'unanimité, aussi bien dans la population que dans les rangs des intellectuels. En règle générale, elle est assimilée à un simple vecteur de communication dont on peut changer, qu'on peut abandonner sans grand dommage. C'est avec une grande légèreté que l'on voit fleurir toutes sortes de propositions, comme s'il s'agissait de donner un avis sur la couleur qui conviendrait à une façade. Erreur funeste. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder ce qui se passe à l'étranger, notamment dans les pays avancés, dans lesquels cette question est centrale. 

LA PLACE DE LA LANGUE A L'ETRANGER 

La France d'avant la Renaissance est un pays très provincial et, à la différence de la plupart des autres nations européennes (Angleterre, Allemagne, Espagne....), une construction politique sans unité linguistique. Les patois, totalement étrangers les uns aux autres, y fleurissent. La langue savante est le latin, langue officielle de l'administration. L'ordonnance de Moulins, édictée par Charles VIII en 1490, complétée par celle de Louis XII en 1510 décrète l'exclusion du latin et impose l'usage des langues maternelles pour tous les actes de justice. Le grand changement se produit en 1539, date à laquelle François 1er édicte l'ordonnance de Villers-Cotterêts, qui constitue l'acte fondateur de la primauté et de l'exclusivité du français langue officielle du droit et de l'administration. C'est un immense chamboulement qui n'arrive pas par hasard. Ce sont les premières décennies de la Renaissance, la rupture avec le Moyen-âge, le début de la rationalisation de la société française et le début de l'Etat-Nation.C'est la naissance de l'Occident moderne. Ce n'est pas un hasard non plus que la réalisation de l'Etat-Nation coïncide avec l'unification de la langue. Machiavel, dans « Le Prince », déclare son admiration pour les Etats-Nations Français et Allemand dont il oppose la réussite à l'échec d'une Italie éclatée.De plus, le français, cette langue commune décrétée obligatoire, n'est pas née ex nihilo. Elle procède en ligne directe de la langue d'oïl, dont il convient de rappeler qu'elle se constitue d'un ensemble de dialectes mutuellement intelligibles, nés de la rencontre du latin et du lointain francique à l'époque de Charlemegne. Comment ne pas faire le rapprochement avec notre arabe dialectal et ses déclinaisons à l'infini suivant les régions ? Il y a toutefois une différence de taille. En France, ce sont les dialectes de la langue d'oïl qui ont fusionné pour donner la langue savante, le français moderne. En Algérie, les différents parlers dialectaux sont issus de la langue savante. Inutile donc de tenter de construire une langue savante en les mixant. La langue savante est la langue mère, l'arabe ! 

Israël s'est construit d'abord sur un crime, celui de la dépossession et de la condamnation à un exode qui perdure pour les Palestiniens. Ses dirigeants historiques ont beau invoquer un cadastre divin, ils ne parviennent pas à gommer totalement le caractère artificiel de cet Etat. Il a fallu battre le rappel des juifs venus des quatre coins du monde, qui ne se connaissaient pas, qui étaient porteurs de coutumes, de cultures extrêmement différents et qui parlaient des langues totalement inintelligibles entre elles. Ils parlaient en effet les langues des pays d'où ils étaient issus, l'allemand, le russe, l'arabe…, mais aussi des versions judaïsées dont la plus sophistiquée est le yiddish, sous-produit de l'allemand et de vieil hébreu. Les dirigeants sionistes de l'époque ont compris qu'ils ne pouvaient assurer la cohésion d'un groupe aussi disparate, traversé par des tensions racistes, en l'espèce entre ashkénazes et sépharades. Le racisme anti arabe qui frappait les Palestiniens qui avaient réussi à se maintenir en Palestine était plutôt bien porté. Pour garantir la survie de la communauté juive, la seule solution était de fonder une langue commune. En quelques années, ils réussirent à construire cette langue, version moderne de l'hébreu ancien ainsi revivifié. Il se dit souvent qu'Israël ne peut se maintenir que par la guerre et que la paix le mettrait en danger de dislocation. C'est en partie vrai. Israël tient aussi, et peut-être même surtout, par la langue partagée ! 

Un détour par le Japon ? Certes. La langue japonaise s'est construite sur un alphabet d'importation, des idéogrammes venus de Chine, les Kanji. Il y en a plus de 40.000 ! Les plus lettrés en connaissent à peine 2.000. Pour lire le moindre roman de gare, la plus petite feuille de chou, il faut avoir un dictionnaire à proximité, même si on est le plus fin des lettrés. Dans un souci de simplification et de facilitation de l'accès à la modernité, le Japon a entrepris de simplifier son alphabet. Dans une première phase, un alphabet latin, le Romaji, a été introduit. Il a été très vite abandonné presque complètement. Son usage s'est limité à l'apprentissage de la prononciation du japonais à l'usage des étrangers. Il faut noter qu'une fois cet apprentissage abandonné, le Romaji est définitivement banni du cours. Il y a eu également les Hiragana, des caractères formés à partir des Kanji mais très simplifiés et en nombre beaucoup plus réduit. Il y a enfin les Katakana, utilisés exclusivement pour les mots d'emprunt et les noms étrangers. Pour finir, la base de l'alphabet actuel du Japon est formée de Kanji. Le Romaji est exclu dans l'enseignement pour les enfants, simplement toléré pour celui des étrangers en phase d'apprentissage avec une forte recommandation à son abandon dès que possible. La base de la langue est constituée des Kanji. Les Hiragana ne sont admis que quand il n'existe aucun Kanji pour décrire un objet, une situation… Ainsi, le Japon moderne, confronté à la difficulté de la langue, a choisi d'abandonner ses velléités de transformation et les écoliers japonais continuent de suer sang et eau pour apprendre une faible partie des 40.000 idéogrammes qu'ils ont reçus en héritage du voisin chinois pourtant tellement honni. C'est que la détestation de ce voisin encombrant a été moins forte que les siècles de présence des Kanji qui en font un des constituants de l'âme du Japon… 

QU'EN EST-IL EN ALGERIE ? 

On l'aura compris, ce long développement préfigure notre propos sur l'Algérie… L'une des causes essentielles du trouble de l'identité vient de ce que la question de la langue n'est pas réglée. Les trois exemples mis en exergue témoignant de son importance dans la construction de l'identité d'une nation et la cohésion d'une société. La question de la langue n'est pas une question technique, mais une question de fond. La langue structure la conscience et l'inconscient des individus et des peuples. Le désordre linguistique renvoie au désordre qui s'installe dans les cerveaux et qui se traduit, par le phénomène de la projection, par des actes et des conduites incohérents, irrationnels. 

L'arabe dialectal, langue maternelle du plus grand nombre, n'est pas une langue de civilisation, d'abord parce qu'elle se décline différemment d'une région à l'autre. Elle aurait tout de même pu prétendre à ce statut il y a quelques décennies quand elle avait gardé une proximité familière avec la langue savante dont elle procède, l'arabe, et quand les différences entre régions étaient principalement des différences d'accent. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Des décennies d'errance linguistique l'ont considérablement appauvrie. Paradoxalement, les différences régionales se sont estompées. Le paradoxe n'est qu'apparent. C'est cet appauvrissement qui est à l'origine de cette unité mal venue parce qu'étant le fruit d'un nivellement national par le bas. Les nostalgiques de la langue de Kaki ou de Alloula, de la subtilité poétique des Bokalas algéroises qui rythmaient les soirées du Ramadhan, des chants du melhoun et de la musique andalouse, ne peuvent qu'être choqués par le sous-créole mêlant sans vergogne vocables berbères, arabes, français espagnols…, qui a cours aujourd'hui. Le fait que certains « grands esprits » proposent de faire de ce galimatias notre langue nationale laisse songeur. S'ils y parvenaient, ce qu'à Dieu ne plaise, ce serait la certitude d'une régression dans tous les domaines.Comment une langue aussi appauvrie pourrait-elle satisfaire l'exigence d'être le vecteur de civilisation dont l'Algérie doit se doter ? 

Le berbère, langue des origines, a subi des outrages comparables. Il souffre de l'absence d'une littérature plongeant aussi loin que sa présence dans le passé. La langue elle-même, le tamazight s'est bien appauvrie et ne se souvient plus guère de la poésie de Si Mohand U Mhand. Des efforts méritoires sont déployés actuellement pour lui redonner sa substance originelle et, dans le même mouvement, de le moderniser. Il y a une vraie préoccupation culturelle dans les régions berbérophones. La chanson, la poésie, le théâtre y sont très présents. Toutefois, cela ne va pas sans mal. Il ya d'abord le choix de l'alphabet. C'aurait pu être l'alphabet arabe, comme pour l'ourdou, le persan, ou le turc d'avant Atatürk. Cette option ne semble pas avoir les faveurs des faiseurs d'opinion. On peut le regretter, Cela aurait pu constituer un encouragement à l'unité. Il faut certes respecter le choix des forces qui militent pour un retour de tamazight sur le devant de la scène. Nous appelons nous-mêmes à l'élargissement de son enseignement à l'ensemble du pays, parce que nous sommes tout à fait convaincus que cet héritage est celui de la nation tout entière et qu'il n'a pas vocation à être confiné dans des régions déterminées. Il faut cependant prendre garde à ce que des choix peuvent avoir une portée qui dépasse les désirs de leurs promoteurs. Il en est ainsi du recours aux caractères latins que préconisent certains groupes. La résistance à la colonisation, les rébellions multiples qui ont touché toutes les régions, jusqu'à la guerre d'indépendance qui nous a permis d'en finir avec la parenthèse humiliante de la sujétion, sont autant de marqueurs d'une volonté nationale. Il ne s'agit dons pas de rapatrier des éléments pouvant évoquer précisément cet ordre colonial. A défaut de l'arabe, le tifinagh aurait l'avantage de ne pas donner corps à cette crainte et aussi d'intégrer symboliquement l'héritage culturel de la Phénicie. La revendication d'octroyer le statut de langue nationale et officielle à tamazight peut être débattue. Au stade actuel, c'est-à-dire au stade où nous vivons une identité fracturée, où des forces centrifuges puissantes sont à l'œuvre, où l'Algérie vit sous l'empire de la menace d'une désintégration, il faut s'interroger sur la pertinence de l'établissement immédiat d'un bilinguisme absolu. Dans une Algérie qui aura conjuré ses démons, qui se sera réconciliée avec elle-même, avec sa mémoire, quand nous disposerons d'un roman national dans lequel apparaîtra tout ce qui nous constitue, la question ne se posera même pas. Nous parlerons tous arabe et tamazight ! La langue arabe nous fournit déjà le nécessaire véhicule de nos échanges conceptuels. Elle permet la nuance, gage de débats sereins et apaisés. L'Algérie n'a pas vocation à demeurer pour l'éternité un pays du tiers-monde, incapable de s'intégrer en tant qu'acteur dans le mouvement du monde. Il ne lui est pas interdit d'aspirer à devenir une puissance qui compte. Or, la langue est le vecteur d'une politique de puissance. L'exemple étasunien notamment est là pour nous montrer que le rayonnement d'un pays est adossé à sa puissance culturelle et linguistique… 

Quant à la langue française, dont certains groupes voudraient faire LA langue nationale, elle est fortement connotée puisqu'elle est la langue du colonisateur. C'est en français qu'étaient « interrogés » nos compatriotes dans les villas Susini, les casernes et les commissariats. C'est en français que l'on torturait. Ceux qui souhaitent promouvoir cette langue nous assurent qu'elle est porteuse de « progrès » et de « lumière ». Laissons le soin à Alexis de Tocqueville de leur répondre : 

« La société musulmane, en Afrique, n'était pas incivilisée; elle avait seulement une civilisation arriérée et imparfaite. Il existait dans son sein un grand nombre de fondations pieuses, ayant pour objet de pourvoir aux besoins de la charité ou de l'instruction publique. Partout nous avons mis la main sur ces revenus en les détournant en partie de leurs anciens usages; nous avons réduit les établissements charitables, laissé tomber les écoles, dispersé les séminaires. Autour de nous les lumières se sont éteintes, le recrutement des hommes de religion et des hommes de loi a cessé; c'est-à-dire que nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu'elle n'était avant de nous connaître. » 

Certes, la langue française peut faciliter l'accès à un niveau appréciable de culture générale ou de compétence technique. Mais, en même temps qu'elle forme, elle déforme. C'est ce que l'on constate chez beaucoup de francophones au Maghreb. Ils vivent souvent détachés de leur peuple. Parfois, il est même l'objet de leur mépris. Une anecdote : En 1994, au plus fort de la décennie noire, des intellectuels Algériens avaient écrit à Jacques Berque. Celui-ci avait gardé un silence remarqué durant cette période. Cette lettre lui en faisait remontrance. Plus précisément, elle lui reprochait de « ne pas être en phase avec les intellectuels algériens ». Il répondit en disant en substance que le problème n'était pas que lui, Jacques Berque, ne soit pas en phase avec les intellectuels Algériens, mais que les intellectuels Algériens ne soient pas en phase avec leur propre peuple… 

Répétons-le. La langue n'est pas neutre. On parle de maîtriser une langue. Peut-être devrait-on inverser cette proposition ? En fait, c'est la langue qu'on pratique qui nous maîtrise, qui structure notre inconscient. Elle est l'instrument principal de l'exil intérieur qui caractérise bon nombre de nos compatriotes qui la pratiquent de manière exclusive. C'est elle, ou plutôt son caractère exclusif, qui en fait des personnes déracinées, dissociées de leur société. Présents physiquement en Algérie, ils sont culturellement et psychologiquement ailleurs. Durant la décennie noire, des intellectuels francophones lançaient des appels à leurs homologues français en leur disant : « Nous défendons VOS valeurs en Algérie ». L'écrivain Jean-Edern Hallier a entendu l'appel et il l'a répercuté vers ses concitoyens. Il en a changé la formulation pour le rendre encore plus percutant et plus de nature à rallier les suffrages en France. Voici son message, en substance, s'agissant des intellectuels algériens : « Ce sont nos harkis culturels, il faut les aider » ! 

Evidemment, nous ne faisons pas nôtre cette phrase, terrible par sa portée symbolique. En aucun cas, aucun, il ne faut assimiler ceux dont la langue de référence est le français plutôt que le berbère ou l'arabe à des traîtres. A l'attention de celles et ceux qui seraient tentés d'établir ce lien, il faut rappeler que c'était la position du FIS et qu'elle s'est traduite par de nombreux assassinats. Ce n'est pas le moindre des torts des islamistes que d'avoir aggravé la fracture culturelle et identitaire dont souffrent les Algériens. Le reproche qui peut être adressé à beaucoup de francophones n'est certainement pas de maîtriser la langue française, mais le rejet de la langue arabe qu'ils manifestent en refusant implicitement de l'apprendre. Combien d'entre eux ont étonné leurs homologues étrangers quand, à la faveur d'un séjour de quelques mois, ils apprennent à parler couramment la langue du pays d'accueil. Comment expliquer cette attitude, sinon par l'aliénation, c'est-à-dire l'occupation de leurs cerveaux par l'idéologie coloniale qui a y injecté le poison du mépris et le complexe d'infériorité par rapport à leur propre culture. La solution ne consiste certainement pas à « éradiquer » la langue française. Nous avons trop souffert des approches revanchardes et brutales pour savoir qu'elles ne feraient qu'aggraver le problème, qu'elles accentueraient les divisions plutôt que les réduire. 

Le problème que nous soulevons ici et la recherche de ses causes profondes pose la question vitale de l'identité par la langue. Nous avons assez répété qu'il ne s'agit pas d'une question technique. La langue, maison de l'être, contribue puissamment à la formation de la Nation. Elle en est à la fois l'émanation et l'ingrédient. Elle est cette composante invisible qui donne corps à nos rêves, de l'épaisseur à ces lieux, là où, disait Baudelaire « tout y parlerait, à l'âme en secret, sa douce langue natale ». C'est la langue qui fait d'une communauté de hasard une communauté de destin. Hélas, la langue, précisément parce qu'on subodore son importance, ne fait pas débat. C'est ainsi en Algérie. Le silence autour d'une question est proportionnel à son importance. Alors, on refoule, ce qui alimente le malaise existentiel, le trouble identitaire, la « haine de soi ». Souvenons-nous de Nietzche : « Méfions-nous de celui qui se hait lui-même, car nous serons un jour les victimes de sa vengeance » 

Nous aborderons dans notre prochaine livraison une autre composante essentielle de l'identité et qui concerne le rapport au système de croyance. 

* Politologue, Université Paris-Descartes Sorbonne 

** Physicien, Université de Cergy-Pontoise 

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Comment maîtriser la peur de nous voir en pays émergent ?

Comment maîtriser la peur de nous voir en pays émergent ?

par Abdelkader Khelil *

Si nous donnons l'impression de faire du « surplace », et que, malgré les moyens colossaux mobilisés, les résultats de notre dynamique de développement restent en deçà de nos espérances, c'est que visiblement nous sommes comme pris de panique et effrayés à l'idée que nous pouvons, nous aussi, franchir le mur de la peur si on voulait croire en nos capacités et à cet immense potentiel de ressource humaine mise en « jachère », de par la faute de ceux qui la craignent ! 

Oui ! Tout se passe comme si nous étions paralysés par cette peur de nous voir changer de statut pour devenir des citoyens d'un pays développé pour ne pas dire émergent et de pouvoir garder constamment ce statut en déployant un effort continu, alors que nous avons pris goût à la facilité, à l'assistanat et son corolaire la paresse. Et rien n'y fait ! Nous sommes tétanisés à l'idée que nous puissions ressembler un jour aux gens qui tirent leur revenu des activités réellement productives, en un mot à être appelés à vivre d'autres biens que de la rente pétrolière et gazière, c'est à dire du travail de la terre et d'autres métiers manuels, de nature à faire perler nos fronts en sueur, comme c'est le cas chez tous les autres. C'est pourquoi, nous continuons à tout faire pour retarder cette échéance, encouragés en cela par les dispositifs mis en place à travers les agences budgétivores de l'ANSEJ, de la CNAC et l'octroi d'autres avantages qui couvent tous ceux parmi nous, qui appréhendent les difficultés des taches pénibles et le « lève-tôt », c'est à dire tous les adeptes du gain facile. 

C'est que nous sommes de toute évidence insuffisamment préparés à devenir productifs de par le confort bien qu'éphémère, procuré par notre statut de rentiers qui fait percevoir à chacun de nous un revenu à la faveur de la « location » de notre sous-sol aux multinationales et tout le monde y trouve son compte, tout en sachant que cette voie est porteuse de risques, parce que sans issue. Pas besoin de se « fouler la rate » ! Dans notre sommeil profond, l'État providence veille à notre bonheur, et nos gouvernants ne sont nullement pressés de déranger dans leur léthargie, les « marmottes » que nous sommes devenus, de cette « crèche » d'adultes à ciel ouvert, qu'ils ont pu faire de cette Algérie, juste pour avoir la paix sociale, à défaut d'être plus imaginatifs, plus exigeants vis-à-vis d'eux mêmes et de leurs gouvernés à travers un projet durable de développement réel ! 

LE PRIX ÉLEVÉ DU SOUCI DE PLAIRE ! 

Devenir productifs, ne consiste pas seulement à le décréter et à le décider ! C'est tout d'abord mettre entre parenthèse l'instant d'une mobilisation sans faille pour un sursaut salvateur et surtout durable: les chicaneries, les palabres stériles et sans fin, les animosités, l'invective, les faux problèmes et toutes ces tentatives grossières de clans et de groupes d'individus et d'intérêts communs, animés par des desseins pour le moins qu'on puisse dire, opaques, pas très clairs et certainement sans retombées positives, pour un pays qui se doit de corriger au plus vite sa trajectoire, en mobilisant toutes ses forces, et ses moyens sans exclusive ! 

Si nos gouvernants n'arrivent pas, ou ne veulent pas siffler la fin d'une « récré » qui n'a que trop duré pour s'engager avec détermination et sincérité dans la voie du travail correctement accompli en apprenant à se rendre utile à sa société, c'est que le « brouhaha » semble être l'option la plus confortable pour eux, et le maintien du « statu quo » - à défaut d'imposer une discipline qui rend chaque citoyen comptable de son apport à la collectivité nationale - leur permet de gagner la paix sociale, tant qu'ils auront encore quelque chose à distribuer, à ceux qui ne leur sont même pas redevables. Et c'est pourquoi, la gestion des affaires publiques reste fortement marquée par une approche de séduction pour ne pas dire de « corruption » du « petit peuple » sans qu'aucune contrepartie de travail ne soit exigée, et bien au contraire accompagnée souvent par cette ingratitude qui consiste : à défier continuellement l'autorité des pouvoirs publics, ou à porter atteinte aux symboles et institutions de l'État ! 

Mais jusqu'à quand, devrions-nous rester dans cette situation de léthargie, même si le recours à la dépense publique atténue quelque peu les effets pervers d'une telle pratique, qui pourtant n'empêche pas, que des routes soient constamment barrées et des pneus souvent brûlés, mettant à chaque fois dans la gêne les collectivités locales ? Il faut se le dire sans risque de se tromper, qu'aucun de nous et quelque soit sa compétence et/ou son expérience, ne peut détenir à lui seul la vérité qui éclaire la marche d'une nation vers son destin. 

C'est là plutôt, l'affaire de tous ! Ce qui suggère forcément une prédisposition à l'ouverture au dialogue, à la consultation, à l'avis des femmes et des hommes de savoir, et la remise en question de certitudes arrêtées de façon dirigiste par les gouvernants, parce que l'évolution de toute société, ne peut se concevoir que dans un perpétuel changement qui sous-tend bien évidemment, une permanence dans la négociation, dans le dialogue et dans la recherche d'un consensus autour des questions majeures, déterminantes pour l'avenir et la de notre pays en tant qu'entité dont la souveraineté et la place dans la région et le monde seront défendues. 

Sinon, comment expliquer qu'avec tous les atouts matériels et humains dont elle dispose, l'Algérie reste enlisée dans un sous-développement structurel, alors que des pays moins nantis enregistrent des progrès appréciables dans beaucoup de domaines ! De toute évidence, obnubilés qu'ils sont par le maintien de la « paix sociale » à n'importe quel prix, les pouvoirs publics ont peur du conflit, peur des arbitrages, peur des débats, peur de l'échec, peur de communiquer, et peur d'être ou de devenir impopulaires, de par le fait qu'ils soient obnubilés par ce souci de plaire à tout prix, même au risque d'être à contre courant de l'intérêt actuel et futur de toute la collectivité nationale. 

Ils restent alors dans une fonction distributive de la rente à fonds perdus, sans trop songer à un lendemain fait d'incertitudes, puisque chacun réclame sa part comme par peur que tout soit pris par les autres ! Mais après ? Que faire quand il ne restera rien à distribuer de la carcasse Algérie, lorsque sa chair aura été totalement raclée par les « charognards », à ne rien laisser pour les fourmis ? Oui ! Visiblement nous sommes dans une impasse, et pas prêts de s'en sortir, parce qu'il n'y a aucun signe fort qui puisse nous le faire penser ! 

QUI A PEUR D'AVANCER RECULE ET NE PEUT PLUS SE RELEVER ! 

Cette attitude de « frilosité » revient très chère à notre pays, qui à défaut d'avancer, recule ! Alors ! Ne vaut-il pas mieux apprivoiser ses peurs, plutôt que de passer son temps à les fuir, et faire de la sorte grandir le courage, la ténacité et l'ardeur au travail productif ? Cette façon de faire, n'est-elle pas la seule voie responsable qui mène à la confiance en soi et à l'épanouissement de la personnalité algérienne qui s'est fortement dépréciée au fil du temps, et à l'ombre des largesses de l'État providence et de ses inconséquences ? 

On prend peur quand il faut engager de véritables réformes pour une école sinistrée, et que les syndicats manifestent et prennent en otage nos enfants à la veille de leurs examens ! On prend peur quand il faut prendre des mesures pour remettre les gens au travail et améliorer le niveau de prestations de nos institutions tous corps confondus ! On prend peur quand il faut distribuer des logements, ou quand les gens manifestent et qu'il faille discuter avec eux, pour les convaincre ou pour mesurer le degré d'efficacité des réponses apportées à leurs préoccupations ! Oui ! Il faut finir par admettre, que nos peurs sont de mauvais guides lorsqu'elles prennent la barre de nos vies, s'érigent en style de gouvernance du compromis et nous empêchent d'avancer ! 

Mais après tout, y a t-il une vie qui vaille la peine d'être vécue sans peur ? Le stress qu'elle peut induire n'est- il pas dans certains cas, fort utile pour alerter d'un danger comme celui que pourrait faire naître l'exploitation du gaz de schiste par exemple ? Ne peut-il pas nous apporter l'énergie qu'il faut pour transcender nos angoisses et franchir l'obstacle de l'ouverture d'un débat national et une consultation d'experts nationaux la plus large possible, comme pour cette question cruciale et d'actualité, dont certains disent qu'elle peut engager les intérêts des générations futures ? 

Si on tarde à le faire, nous sommes alors en droit de penser, qu'on veuille nous cacher des choses ! Mais de quoi s'agit-il, au juste ? Exerce t-on des pressions sur nos gouvernants pour rendre effective cette option énergétique si controversée ? Il faut bien qu'on nous l'explique ! Nous ne sommes pas des locataires de la « maison » Algérie, mais ses enfants qui ont grandement besoin de savoir, ce qui se passe chez eux, pour pouvoir vivre dans la quiétude de l'esprit apaisé et se mobiliser pour aller de l'avant ! Négocier des choses sans informer l'opinion publique, n'est sans doute pas un présage de bon augure ! 

Si l'eau est si importante pour un pays totalement inscrit dans l'aridité, alors forcément la probabilité quant à sa pollution devient une préoccupation légitime, d'autant plus que notre sécurité alimentaire est loin d'être assurée ! Par conséquent, l'ouverture d'un débat sérieux et non partisan s'impose comme premier pas que doivent faire les pouvoirs publics pour ramener de la sérénité dans les régions sensibles du Grand Sud, afin d'éviter que la grogne populaire induite par l'absence de communication, ne soit exploitée à d'autres fins, par des esprits pyromanes d'ici et d'ailleurs ! 

L'Algérie a trop souffert, pour prêter encore une fois, le flanc à tous ceux qui cherchent à la déstabiliser ! L'incompétence des uns, l'entêtement et la méprise des autres, nous coûtent chers et nous mettent en danger ! À trop vouloir jouer avec le feu, l'on finit par se brûler ! La sagesse doit être le seul guide dans ce type de dossiers sensibles, et l'intérêt national doit être au-dessus de toutes autres considérations, connues ou cachées. 

Alors ! Oui ! Le courage, n'est pas d'ignorer les peurs motivées par cette question liée aux intérêts des générations futures, mais d'avancer avec elles, à partir de l'ouverture d'un débat conduit par un collège d'experts nationaux de haut niveau, d'ici et d'ailleurs, à la probité avérée, qui sauront défendre les intérêts suprêmes de leur pays, face aux appétits féroces de ceux qui risquent de nous entrainer dans une aventure périlleuse, ne plaise à Dieu. 

C'est là une manière d'aller de l'avant sans se laisser paralyser, en prenant pas à pas le sentier du courage, qui place au-dessus de tout, l'intérêt national. Sans cela, nous resterons là, recroquevillés sur nous mêmes à consommer le peu qui nous reste de richesses, alors qu'autour de nous, tout le monde s'active pour s'assurer une place dans le concert des nations qui avancent, alors que pour nous, demain sera fait du sauve qui peut, vers un nulle part, tout étant par ailleurs verrouillé ! Mais rien n'est perdu ! Il faut juste se ressaisir, et marcher d'un pas résolu et avec détermination vers l'horizon d'un avenir meilleur ! 

LA LEÇON DE LA GUINÉE ÉQUATORIALE ! 

Après le refus du Maroc d'accueillir l'organisation de la coupe africaine des nations de 2015, le défi de Hayatou, président de la CAF a été de ne pas reporter cette grande manifestation sportive et a négocié avec plusieurs pays, avant de tomber d'accord avec la Guinée équatoriale, avec tout le risque que ce choix pouvait comporter. C'est qu'il voulait montrer au Maroc l'étendue de son tort, en s'engageant avec fermeté dans ce défi qu'il a voulu réussir. 

La Guinée équatoriale, ce micro-pays d'à peine 778.000 habitants, soit l'équivalent de la population de Relizane, et d'une superficie égale à celle de la Wilaya de Naama, a du mettre à niveau ses infrastructures sportives, en ramenant du gazon d'Europe ainsi que de grands pylônes pour l'éclairage des stades de Mongomo et Ebebiyin, tout en assurant l'installation d'un réseau internet à haut débit et une couverture sanitaire, à hauteur de cet évènement continental, et tout cela dans un délai record de deux mois. 

Le défi du temps a été donc relevé, et c'est là un second succès après celui du président de la CAF qui a assuré comme prévu, le coup d'envoi de cette grande manifestation continentale, en ce 17 janvier 2015, à Malabo. 

Dans cette coupe africaine tout à ses débuts, l'on retiendra que si des succès ont été enregistrés, c'est parce que chacun à sa manière a vaincu sa peur. La première étant celle de différer cette manifestation sportive, la deuxième de ne pas être au rendez-vous. Tout cela pour dire, que l'importance n'est pas dans la taille d'un territoire et les richesses de son sol et de son sous-sol, mais dans la volonté d'hommes et de femmes déterminés à honorer leur pays. 

Et cerise sur le gâteau, les reporters sportifs nous ramènent le témoignage d'une population éduquée, faisant patiemment la chaine à l'entrée du stade sur 200 mètres, sans bousculades ni violences et sans intervention des services d'ordre, comme si chacun se sentait concerné par l'image de son pays. La Guinée équatoriale qui à surmonté l'handicap de la peur de l'échec renvoie au monde qui la regarde, l'image d'un peuple qui a montré une détermination à relever un grand défi, même s'il est vrai que la posture de son président qui arrive à la 8ème place dans le Top 12 du classement des dictateurs dans le monde, laisse un arrière goût d'amertume. 

Mais ce n'est pas là l'objet de mon propos ! Mon inquiétude à moi est de voir que l'Algérie, alors que quatre vingt cinq fois plus grande en superficie, cinquante fois plus peuplée, mieux équipée et nettement plus riche, aurait été dans l'incapacité à pouvoir relever un défi similaire, même si elle était il n'y a pas si longtemps, l'exemple africain par excellence dans ce genre de défi. Il faut croire que bien des choses ont changé depuis ! 

Dans l'hypothèse de l'organisation de cette fête africaine chez-nous dans les délais impartis à la Guinée-équatoriale, c'est à dire juste deux mois, cela aurait donné lieu à des morts et des blessés comme à l'habitude bien avant le coup d'envoi, juste au niveau de l'autoroute et des guichets. Il m'attriste de dire, que nous sommes très loin en termes de standards de civilité, et nous avons ici, la preuve que la pauvreté et le chômage – comme indiqué dans le tableau ci-après -, ne sont nullement des explications plausibles pour justifier le comportement de nos jeunes, particulièrement au niveau des stades. 

Alors merci à toi peuple Équato-guinéen, pour avoir souligné de la sorte, toute l'ampleur de notre déficit en matière de comportement sociétal, qui nuit à l'image de notre pays ! Notre égo et notre vanité légendaire en prennent certainement un coup, mais c'est là, une triste vérité ! Abstraction faite du cadre dictatorial qui veille à un déroulement tout au moins acceptable de la fête, la leçon donnée par la population mérite d'être retenue. 

Si l'on s'était fait peur de la même manière, en mettant un plus de « Nif » et moins de « l'san touil » et de vanité mal placée, l'aménagement du stade du 5 juillet n'aurait pas trainé en longueur, et avec les moyens matériels et humains nettement plus importants que ceux de nos amis Équato-guinéens, l'on aurait pu mettre à niveau les infrastructures sportives dans les mêmes délais, pour accueillir cette édition de la CAN, d'autant plus que les capacités d'hébergement sont nettement suffisantes, ce qui aurait été aussi, un véritable challenge pour la relance du secteur du tourisme, qui continue à justifier son incapacité par des questions de foncier, celle de l'insécurité n'étant plus crédible. 

Alors ! À défaut de cela, la peur toujours présente dans sa face négative, fait dire aux gestionnaires du secteur des sports, que nous ne pouvons être prêts, qu'à l'horizon 2017. Oui ! Avec nous, Hayatou aurait certainement perdu son pari ! Quelle honte pour notre pays, que cette leçon nous soit donnée par ce micro-pays qui mérite pourtant, tout notre respect ! Pour tout cela, je souhaite de tout mon coeur, qu'une médaille du mérite soit discernée à titre de récompense à ce peuple qui a bravé sa peur, tout en donnant la meilleure image de lui même ! Cela fait déjà très longtemps, que les Algériens ont perdu ce réflexe de gens civilisés ! 

Alors imaginons l'instant d'un rêve que nous soyons pris de peurs fécondes, salvatrices et mobilisatrices, mais dans notre cas : de ne plus pouvoir payer nos factures alimentaires, de l'éventualité d'une pollution de la nappe albienne, de la disparition de tous les métiers, du départ de ce qui nous reste de ressource humaine, de ne plus pouvoir assurer une couverture énergétique, de ne plus pouvoir soigner correctement nos concitoyens, de ne plus assurer les retraites de nos cheveux blancs et bien d'autres choses. 

Face à cela, que faut-il alors faire ? Dans une sorte d'appel d'offres national, il faut d'abord recruter hors des canaux habituels fonctionnant selon les principes éculés et non productifs de quota, d'équilibre régional, de copinage et d'allégeance, des cadres supérieurs de la nation d'ici et d'ailleurs, frappés du sceau : de la probité, de l'intégrité, de la moralité et de la compétence, capables de relever les défis sous-tendus par nos peurs, dés lors que les budgétivores qui se sont jusque là succédés à la tête de nos institutions, et à quelques rares exceptions, ont beaucoup plus brillé par leurs attitudes de gaspillage et de prédation des deniers publics, que par leur contribution à augmenter des valeurs ajoutées mesurées en taux de croissance et de bien être pour notre pays! Oui ! Notre angoisse collective ne peut-être atténuée que par des femmes et des hommes de valeur, qui sauront mettre leurs savoirs au service d'un développement à hauteur des ambitions d'un pays, qui se doit d'être émergent. 

* Professeur 

 

Le noeud gordien algérien-suite4

Le nœud gordien algérien (Sixième partie) : Un mal profond, complexe et grave

Nous abordons la deuxième partie de notre réflexion qui va porter sur les causes. Nous considérons que l'identité est au cœur du questionnement. Le texte ci-dessous constitue le premier volet traitant de l'identité. Ce mal touche d'abord à l'identité qu'il est urgent de clarifier, sinon de reconstruire. Une identité à reconstruire : Sous la colonisation, l'identité algérienne était vécue de façon simple. Elle était en effet en partie induite par le contexte politique marqué par la colonisation et la domination. Il y avait d'abord un fort sentiment d'appartenance à un pays, l'Algérie. Il y avait en même temps un sentiment d'intensité comparable d'appartenance à la religion musulmane. La pratique de la langue arabe par les uns, du berbère par les autres, s'ajoutait aux deux facteurs précédents. Ainsi, au plan de l'identité, la contradiction principale se situait entre, d'un côté les Algériens dans leur ensemble –hormis une infime minorité proche de l'administration coloniale- et de l'autre les pieds-noirs, population dont la présence a été imposée par la force. Les juifs constituaient une troisième composante de la population. Leur présence est largement antérieure à la colonisation. Une partie d'entre eux sont issus de la vague d'immigration venue d'Espagne à la fin du XVème siècle, chassée par Ferdinand et Isabelle la catholique après la chute de Grenade, dernier bastion de la présence arabe en Andalousie. D'autres, les plus nombreux, sont présents au Maghreb avant même l'avènement de l'Islam. Ce sont sans doute des berbères judaïsés. C'est au Sud que leur présence était la plus importante, comme en témoignent le nombre et la taille des Ksours qui en contiennent les vestiges. La majorité de ces juifs se sont convertis à l'Islam, à l'instar de Mimoun, fondateur de la ville de Timimoun. Après la conquête coloniale, les juifs de France poussent les autorités françaises à naturaliser les juifs d'Algérie. Pour la plupart, ils n'avaient guère de considération pour eux et les traitaient avec un mépris teinté de condescendance. Ils pensaient que leur naturalisation leur ouvrirait les portes de la civilisation, de l'émancipation politique et de l'accès au bien-être économique. Napoléon III rêvait, lui, du royaume arabe qu'il aspirait à former et à diriger. Il souhaitait ainsi étendre le bénéfice de la naturalisation aux indigènes musulmans. De fait, il promulgua à son retour à Paris en 1865 un sénatus consulte qui autorisait les indigènes juifs et musulmans à demander à titre individuel la citoyenneté pleine et entière. L'opération fut un échec. Il est notable que le refus des juifs et celui des musulmans furent d'une ampleur comparable. La cause principale fut l'injonction faite aux deux communautés d'abandonner leur statut personnel, un abandon perçu comme une véritable apostasie. 

Furieux, les juifs de France décidèrent d'abandonner la démarche volontaire pour une option plus autoritaire, limitée aux seuls juifs. Ce fut le décret Crémieux, promulgué le 24 octobre 1870, portant naturalisation collective de l'ensemble des juifs d'Algérie, à l'exception notable de ceux des confins sahariens qui n'avaient pas encore été investis par l'armée coloniale, et qui ne deviendront citoyens Français qu'à la faveur d'une loi votée en 1961. A la veille de la parution du décret, Crémieux expliquait la démarche fort peu respectueuse des libertés que constituait son décret en déclarant : « Ne leur dites pas : devenez français si vous le voulez, ils n'abdiqueront pas la loi de Dieu. » 

En ce qui concerne la population musulmane, le Gouvernement conserve le droit d'option, qui restera parfaitement théorique. L'ordonnance de 1944 attribuera la citoyenneté de plein exercice à quelques dizaines de milliers de citoyens jugés « méritants », selon des critères que récapitule l'article 4 de cette ordonnance : anciens officiers, titulaires de diplômes supérieurs ou égaux au brevet d'études élémentaires supérieures, fonctionnaires ou agents de l'Etat, bachaghas, caïds ou aghas, titulaires de la Légion d'honneur, compagnons de la Libération… L'écrasante majorité de la population conservera son statut personnel, soit la possibilité de garder des éléments de droit issus de la religion musulmane et des coutumes berbères. Des droits politiques limités lui seront accordés. Ce même article 4 promet en outre la citoyenneté française à l'ensemble des musulmans d'Algérie mais remet l'exécution de cette promesse aux bons soins de l'Assemblée Nationale Constituante à venir. En attendant, il institue un second collège, exclusivement musulman. Cette disjonction entre populations musulmane et juive aboutit, tout au long de la période coloniale, à une considérable amélioration du sort de cette dernière pendant que la seconde sombre dans la misère et le déclassement. Ils investissent l'espace le temps d'une révolte qui se solde invariablement par une répression sanglante. Entre deux bouffées de colères, ils vivotent, cachés, maintenus à l'écart d'un monde qui danse le samedi sur les places de leurs villes, un monde qui ne les perçoit que comme des fantômes familiers et qui n'a connaissance de leur existence que par les coupures de presse annonçant la « mise hors d'état de nuire » d'un groupe de fellaghas. Ils apprennent à se faire petits, à développer la ruse pour continuer de vivre, à ne jamais manifester bruyamment leur haine de ce qu'ils sont devenus, des serviteurs cauteleux, attachés tels des serfs à faire grossir par leur sueur les profits gigantesques de colons ventrus… Maigre revanche sur leurs patrons et sur leurs ex compatriotes juifs : c'est tout naturellement que, nantis des avantages que procurent l'accès à la fonction publique et à l'éducation, ayant fini par prendre en masse fait et cause pour le système colonial, ils se retrouveront ensemble sur les bateaux de l'exode. 

Peut-être cette misère si bien « partagée » a-t-elle maintenu les liens entre les Algériens musulmans. Il ne serait venu à l'esprit d'aucun d'eux de se poser des questions sur l'identité algérienne Des intellectuels l'avaient certes soulevée. Ferhat Abbas avait même nié l'existence d'une Nation Algérienne dans un discours célèbre. Sans doute pensait-il que cette attitude allait favoriser l'accession des Algériens, non seulement à une naturalisation générale, mais aussi à la citoyenneté. Ces deux concepts avaient des significations précises. On pouvait avoir la nationalité française mais pas la citoyenneté. Cette dernière donnait accès aux mêmes droits politiques que l'ensemble des Français. La nationalité était plus restrictive. C'est cette lecture qui a permis, entre autres, le traitement particulier des musulmans d'Algérie et la ségrégation institutionnelle qui les frappait. L'instauration des deux collèges en est une illustration. Ferhat Abbas en tira d'ailleurs les conclusions en se rallaint à l'idée d'indépendance. 

La période ottomane a certes été infiniment moins « massacrante » que la présence française. Pour autant, elle n'a pas contribué à l'élévation du niveau de vie et du niveau d'éducation du peuple. En fait, les Turcs administraient les villes et étaient très peu présents dans les campagnes où le mode de vie n'était guère affecté par leur gouvernance. Il y avait de temps en temps des flambées de colère populaires qui s'exerçaient contre leur autorité. C'était au moment du passage des percepteurs venus prélever l'impôt exigé par la Sublime Porte. Une anecdote tragique : on connait le sort de la tribu des Ouled Riah, enfumée par Pélissier dans la grotte de Ghar Frachih, où elle avait cru trouver refuge. Ce n'est pas par hasard qu'ils avaient choisi ce lieu. Les Ouled Riah utilisaient de longue cet abri séculaire qui leur servait à échapper aux mehallas des deys qui venaient ramasser les lourdes taxes imposées à la population locale. 

Ô paradoxe ! Les Algériens n'ont jamais douté de l'existence de leur identité pendant qu'ils étaient sous occupation. Le doute les a saisis après avoir arraché leur indépendance… Cette question de l'identité est devenue essentielle, vitale. 

Qu'est-ce qu'être Algérien, aujourd'hui ? 

Emmanuel Lévinas disait que lorsqu'un peuple s'interroge sur son identité, c'est qu'il l'a déjà perdue. L'Algérie n'en est même pas à s'interroger. Cette absence de questionnement n'est pas du tout un signe de sérénité. Elle est le révélateur d'un profond malaise dans ce domaine. L'absence de débat signifie que la question est si importante, ses implications tellement énormes que l'on refuse de l'engager. C'est le refoulement. Force est donc de constater que l'identité algérienne est si fragmentée qu'elle donne l'impression d'avoir implosé. Elle est de produit de l'histoire tourmentée de notre pays. 

Il y a le substrat berbère sur lequel sont venus se greffer plusieurs influences de nature différente, contrairement à ce qu'affirme l'historiographie coloniale et « pied-noir », selon laquelle il n'y a jamais eu de personnalité ni d'identité algérienne et que ce pays n'a jamais été autre chose qu'une terre de conquête et d'occupation. L'Empire romain a dominé le Maghreb comme en attestent les nombreux vestiges dans le Nord du pays, sur la frange côtière mais aussi à l'intérieur des terres. Il n'y pas eu cependant de romanisation des Berbères. Il est vrai qu'une minorité d'autochtones a pu accéder à des fonctions éminentes, jusqu'au trône impérial ! Ces privilégiés ne sont en rien représentatifs de la population locale. En fait, c'était des préfigurations de nos « colonel Bendaoud », des gens qui avaient rompu avec leur peuple, avaient troqué le burnous ancestral contre la toge et étaient devenus plus romains que les Romains eux-mêmes ! 

L'arrivée des Arabes à la fin du 7ème siècle et au début du 8ème va bouleverser l'identité des Maghrébins en modifiant profondément leurs croyances. L'arrivée de l'Islam, la rapidité de sa propagation et de son assimilation par les autochtones, ajoute un élément essentiel à l'identité maghrébine, l'islamité, mais aussi la dimension arabe, non pas de son caractère ethnique mais de son attribut de langue du Livre. La controverse actuelle sur l'arabité de l'Algérie s'éteindrait d'elle-même si on s'accorde sur ce fait. Bien entendu, on n'a qu'une connaissance très imprécise de la taille de l'armée arabe et de la dimension de la population locale. Il est néanmoins évident que cette dernière était bien supérieure aux quelques dizaines de milliers de soldats arabes. Il est donc hors de question d'imaginer un remplacement ! L'Algérie, ethniquement berbère, est restée très largement berbère. Elle a simplement assimilé cet habit supplémentaire que lui apportait l'Islam. A ce stade de notre présentation, nous voudrions insister sur le caractère mensonger et dangereux de certaines déclarations qui mettent l'arrivée de l'Islam au Maghreb sur le même plan que les invasions romaine, turque et française. L'Islam était porteur d'un message véritablement destiné à l'ensemble de la population. Elle l'a si bien intégré qu'elle a pris le relais et que ses enfants, dont le plus illustre, Tarek Ibn Zyad, se sont chargés de prolonger son expansion vers l'Andalousie. A contrario, Romains, Français et Turcs ne voyaient dans l'Algérie qu'une terre de rapine. Ils y ont porté le fer et le feu pour le plus grand bonheur de leurs souverains respectifs… 

Sans doute y a-t-il des sujets de discorde entre berbérophones et arabophones. Nous n'oublions pas le printemps berbère, le meurtre de Massinissa, les dizaines de civils tués en Kabylie lors des campagnes de protestation qui ont suivi ce meurtre. Y a-t-il pour autant matière à un antagonisme irréductible ? La haine entre Kosovars et Serbes date du 14ème siècle, plus exactement d'une défaite meurtrière de ces derniers devant l'armée ottomane en un lieu qui s'appelle « le Pré aux Merles ». Ce lieu est en plein milieu du Kosovo, province par ailleurs peuplée à une écrasante majorité de musulmans. C'est ce lieu de mémoire que les Serbes ne se résolvent pas à en faire le deuil. 

Il n'y a pas, il n'y a jamais eu de Pré aux Merles en Algérie. Bien sûr, il y a eu la résistance berbère aux armées arabes, résistance incarnée par la princesse Kahina (qui veut dire prêtresse ou devineresse), Dyhia Tadmut (la belle gazelle en tamazight). Cette dernière est devenue une légende de son vivant en remportant bien des batailles. En fait, elle a été vaincue par les divisions des tribus dont la majorité a choisi de se rallier à la bannière de l'Islam. D'ailleurs, Kahina est devenue un symbole algérien. Elle a sa statue à Khenchela et son prénom a été donné à de très nombreuses petites filles à travers l'Algérie. Il n'y a donc pas dans notre mémoire collective de sujets de nature à nous pousser à une guerre fratricide, encore moins à une séparation. Le malentendu vient en fait d'une méconnaissance de l'Histoire qui est source de conflits identitaires. Il faut en finir avec deux tentations extrêmes, celle portée par un courant berbériste heureusement minoritaire qui continue de voir en l'arabe un colon étranger, après 15 siècles de présence, et celle d'un courant arabiste qui voudrait gommer la dimension berbère et revenir à une sorte de « pureté » arabe. Il faut souligner que l'arabisation telle qu'elle a été conduite durant des décennies par des dirigeants a contribué à braquer bien des berbérophones, mais aussi des francophones et qu'on en est venu ainsi, par l'extraordinaire absence de vision dont ont fait preuve nos gouvernements, à faire d'une des deux langues du peuple une langue , non seulement étrangère mais encore hostile. La contradiction arabo-berbère a été mise sous le boisseau durant la guerre de libération. La sagesse des dirigeants de l'époque les avaient conduits de concert à mettre l'idéal de l'indépendance au-dessus de cet antagonisme. Malheureusement, l'antagonisme a survécu. Après plus d'un demi-siècle de gouvernance marquée par l'incompétence et un gâchis monumental, aussi bien moral que financier, économique et social, la régression du sentiment national est devenue patente. On en est revenu à l'ethnie, à la région, au clan. Nous avons réussi à tomber dans l'individualisme sans être passés par la phase en amont qui est celle de l'émergence de l'individu, selon le schéma classique dont l'Occident a été le théâtre après la Renaissance. 

Cette régression est une dimension essentielle de la crise de l'identité que nous vivons. Dans l'incapacité de savoir d'où nous venons, nous ne savons pas où nous allons. Nous avons du mal à nous percevoir comme une communauté, soudée par une mémoire et un devenir communs. La séquence coloniale, par sa durée, sa bestialité, sa volonté absolue de ne laisser aux « indigènes » aucun espace d'expression, de relative liberté, y est pour beaucoup. On ne sort pas indemnes de 132 ans d'occupation, d'infériorisation, de dépossession, d'acculturation… Cette période a laissé des traces profondes dans l'inconscient individuel et collectif des Algériens, fussent-ils patriotes ou nationalistes. Ce traumatisme n'a jamais été investigué, questionné, pas plus que celui de la décennie noire. C'est ainsi en Algérie : Entre deux séquences tragiques, le trou noir du silence troublé par des bouffées de colère destructrices. 

Lire la suite:7°partie

   

PUBLICATION DU Pr KHELIL .2

Curieux endroit qu'a choisi le Pr KHELIL pour situer le déroulement de son histoire. Ce choix en réalité n'est pas fortuit: ce phénomène de la file d'attente révèle l'un des malaises chroniques que ressent le citoyen algérien. Pour les deux acteurs de ce roman ce lieu constitue l'observatoire idéal pour scruter, observer et sentir physiquement le resenti de ce malaise social. Le dialogue des deux amis, l'un agronome l'autre journaliste, passe en revue tous les problèmes qui empoisonnent la vie quotidienne de l'algérien. Dans l'épilogue l'auteur propose des solutions basées sur des études scientifiques qui doivent accompagner une réforme en profondeur de notre système socioéconomique et donc politique. Comme d'habitude chaque publication du Pr KHELIL constitue une nouvelle contribution positive  au débat national.A.B

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POINT DE VUE

L’OLIVIER : CE SYMBOLE DE RÉSISTANCE ET DE  L’IDENTITÉ PALESTINIENNE VANDALISÉ PAR                      LES COLONS SIONISTES HAINEUX ET CRIMINELS

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Abdelkader KHELIL*

Depuis l’Antiquité, l’Histoire nous a appris que l'olivier occupe une place de choix dans les civilisations méditerranéennes et l'esprit des hommes et des femmes qui les composent. Il symbolise tout au moins pour les trois religions monothéistes : la paix, la sagesse et l'harmonie. En fait, il a toujours été considéré comme l’arbre vital des peuples méditerranéens vivant dans son aire géographique de prédilection, mais aussi, pour de nombreuses communautés dans le monde qui ne cessent d’apprécier fortement son huile et ses vertus médicamenteuses.

   C’est dire, que l’acte de conserver, de défendre et d’élargir la culture de l'auguste olivier est un impératif croissant à l'heure où le monde cherche désespérément les moyens et les ressources végétales lui permettant de s'adapter au changement climatique, alors que l’empire du mal avec ses armes de destruction massive, sa stratégie et politiques de non développement global s’entête à dégrader notre planète pour imposer son esprit mercantile, dominateur et destructeur au service d’intérêts égoïstes de sa minorité hégémonique.


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