Medecine et civilisation-Pr M. KEDDARI

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Médecine et civilisation

Lycée Djamel Eddine El Afghani

Mascara 7 juillet 2012

                                                                                   

                                                                                                                      Mostefa KEDDARI

La civilisation représente ce qui se transmet d'une communauté à l'autre : la science, le savoir, la technique. C'est l'homme qui en tout lieu et à tout moment a permis de la façonner. Chaque pays, chaque peuple, chaque ethnie a apporté sa contribution au cours de l'histoire. La civilisation appartient à l'humanité entière.


On attend de celle-ci, qu'elle procure toujours un mieux être physique et moral de l'homme sur toute la planète, et ce, sans distinction entre les pays du Nord, du Sud, de l'Est et de l'Ouest. Cependant les acquis de cette civilisation ont bénéficié à une partie de la population du globe, et c'est parmi cette population privilégiée que la santé physique et mentale s'est progressivement dégradée. Les transformations sociales ont engendré des maladies nouvelles que l'on nomme depuis quelques années, maladies de la civilisation.

Ces maladies de la civilisation sont dûes à un fonctionnement anormal de la société, et aux mauvais comportements des individus. Elles ne sont plus d'origine "naturelle" comme l'étaient les maladies infectieuses ou nutritionnelles mais désormais « fabriquées » par l'homme lui-même.

Le premier facteur responsable de ces maladies se trouve dans notre mauvaise alimentation. Une bonne partie de ce problème de santé publique y trouve son origine : « Que ton alimentation soit ta première médecine », enseignait déjà Hippocrate au 5ème siècle avant Jésus-Christ.

Nous évoluons en effet, dans une société « obésogène », qui «fabrique » l'obésité par une offre permanente de produits manufacturés, vendus sous emballages, qui ont remplacé une alimentation simple et saine, préparée au domicile avec soin. Ceci aboutit à un appauvrissement de la diversité alimentaire, réduite très souvent à des préparations uniformes (sandwichs, humbergers pizzas), à une déstructuration des rythmes alimentaires (on mange à toutes les heures) et à un excès de sédentarité, avec des heures entières passés en face des écrans de télévision ou d'ordinateur.

Ces troubles du comportement alimentaire engendrent surpoids, et obésité, un excès d'alimentation sucrée (sandwichs et Coca), un excès de graisses alimentaires qui conduisent à une accumulation de cholestérol et de triglycérides, responsable des maladies du cœur (hypertension artérielle, infarctus du myocarde...).

Cette alimentation est aussi à l'origine de nombreux cancers. Nous fabriquons nos cancers avec ce que l'on met dans notre assiette. Aujourd'hui, l'on estime à 45 % la part de cancers liés à de mauvaises habitudes alimentaires, l'excès de viande rouge et grasse, les aliments riches en sel (chips, cacahuètes), les colorants et les conservateurs ajoutés aux produits alimentaires vendus en boites ; Les fruits et les légumes frais n'étant pas à la portée de tous.

Le second facteur responsable est représenté par le mauvais fonctionnement de la société. Qui met chaque individu dans un état de tension chronique où se mêlent à la fois l'anxiété, l'angoisse, les difficultés à assurer ses besoins quotidiens et ceux de sa famille, les difficultés à dialoguer avec les autres, et les incertitudes professionnelles etc. Cet état de tension permanente constitue ce que l'on appelle depuis quelques années, le STRESS. Il constitue une réponse d'adaptation psychophysiologique de notre organisme, face aux agressions répétées de la vie quotidienne.

Les sources de ce stress sont multiples ; elles viennent à la fois de la personne elle-même, de son entourage et / ou de son environnement perturbé par les conflits, le bruit, le travail, le chômage, les évènements de la vie.... Chacun de nous, réagira différemment en fonction de sa personnalité, de son état de santé et du milieu dans lequel il vit. La résistance au stress est différente pour chacun de nous. Les conséquences de ce stress sont nombreuses, graves et de plus en plus fréquentes; l'hypertension artérielle chronique très difficile à vivre, les maladies des artères ,du coeur et du cerveau, l'ulcère gastrique, le diabète, l'obésité, l'ostéoporose, l'anxiété, les troubles psychiques, les difficultés d'adaptation sociale, et l'absentéisme.

Nous vivons désormais dans un environnement où se mêlent à notre insu, d'innombrables produits toxiques et dangereux, utilisés par les techniques industrielles et l'économie moderne avec en retour, la pollution de l'air, de l'eau de boisson, des nappes phréatiques. Les aliments et les boissons sont modifiés, transformés par des produits chimiques, plus dangereux les uns que les autres, et souvent cachés parce qu'il sont interdits. Des milliers de substances chimiques différentes sont utilisées dans l'agriculture, pour l'élevage, et se retrouvent aussi dans notre assiette. Cette pollution chimique, de l'air , du sol, de l'eau est à l'origine de très nombreux cancers, d'allergies de plus en plus précoces et qui doublent tous les dix ans, et d'une altération (perversion) du système de défense immunitaire et de son affaiblissement ainsi qu'une diminution de la fertilité masculine

A cause de cette perversion, les cellules normalement chargées de protéger et de défendre nos tissus et nos organes, se mettent à l'attaquer et le détruire, par un processus d'auto- immunisation aboutissant à des maladies nouvelles : hépatites auto-immunes, sclérose en plaques, maladie d'Addison, polyarthrites, recto-colite et purpuras.

Cette détérioration de l'alimentation, de la terre, de l'air, de l'eau, détruit chaque jour d'avantage notre planète. Et c'est pourtant de l'eau et de la terre que proviennent nos richesses. Or, ces richesses produites par la terre, ne sont pas inépuisables ; elles doivent être gérées par l'homme pour une utilisation permanente. En 1961, les hommes consommaient 70% de la production de notre planète. En 2002 la consommation des hommes dépassait la production. 12 mois de consommation correspondent à 14 mois de production ; cela veut dire qu'en seulement 40 ans, nous vivons non plus des richesses fournies par la planète mais nous utilisons les constituants de la planète. Nous consommons ce que nous ne produisons pas !

Cette année, il n'aura fallu que 234 jours à l'humanité pour consommer toutes les ressources naturelles que la terre peut produire en un an. Nous avons atteint, mercredi 22 août, le « Global Overshoot Day », le « jour du dépassement ». En d'autres termes, nous vivrons à crédit jusqu'à la fin de l'année. Une seule planète ne suffit plus pour subvenir à nos besoins et absorber nos déchets. Désormais, les besoins de l'humanité dépassent de 50% les ressources disponibles, lesquelles ont quasiment diminué de moitié depuis 1961.

Ajoutant à cela, les risques de pollution (chimique, radioactive, etc...) qui conduisent à la dégradation des milieux naturels, et se traduisent inévitablement par une baisse des surfaces productives qui alourdit, notre dette et, condamne encore davantage les générations futures ».

D'ailleurs cette surconsommation, ne peut pas se poursuivre à ce rythme.

Deux exemples (PNUD) : si les chinois et les indiens, adoptaient la même consommation de viande que les européens (et encore pas celle des américains), il n'y aurait pas assez de terres cultivables sur la planète, pour produire la quantité d'aliments nécessaire pour le bétail. De même si les chinois et les indiens, se mettaient à avoir le même nombre de véhicules automobiles que les européens (sans parler des américains !), et la même consommation d'essence, cela poserait des problèmes insolubles, à la fois pour la production de pétrole, la pollution atmosphérique et l'émission de gaz à effet de serre.

Cette augmentation de la consommation produit aussi des déchets considérables. Les décharges envahissent les villes, la mer, les terres agricoles, dépassant les capacités de régénération de notre planète. Ces décharges sont maintenant dangereuses avec les déchets radioactifs, qui posent un gros problème d'élimination et de stockage. Il y a 50 ans, le biologiste français Jean Rostand se posait déjà cette question essentielle : « C'est un immense problème de savoir, si l'homme, pourra indéfiniment s'adapter à ce qu'il ajoute ». Nous détruisons notre support de vie et compromettons gravement l'avenir de l'humanité. Nous risquons d'anéantir en quelques décennies, les ressources que la terre a produit et façonné pendant des siècles. Ce type d'exploitation du globe engendre la rareté et la pauvreté, expose aux réactions de regroupement à caractère ethnique, national ou religieux, et forme les énormes bidonvilles, conduisant à des dislocations dans la société et à des guerres.

Comment la médecine a-t-elle accompagné cette civilisation ? Aujourd'hui la médecine n'a jamais été aussi efficace, n'a jamais été aussi transparente, et pourtant, elle n'a jamais été autant contestée, autant soupçonnée et, surveillée. D'où vient qu'autrefois les médecins avaient de l'autorité alors que la médecine était impuissante ?

Le « Grand Patron » était à la fois un humaniste et un sage au chevet du malade. Il recueillait les signes de la maladie, il disait l'avenir des malades (évolution, pronostic) qu'il était seul à connaître. Le malade demandait au médecin une sécurité, une relation affective et une disponibilité. Le contact avec le médecin était déjà le remède. Cette figure du grand médecin a disparu. Le médecin « moderne » reste loin du malade, n'a plus besoin de « le voir » ; on ne demande plus aujourd'hui ce que pense « le professeur », mais le résultat de la radio, de l'IRM, ou de la biopsie. Rien ne sera fait ou dit qui ne soit basé sur les preuves fournies par la technologie médicale.

La médecine officielle scientifique est utilisée depuis toujours pour combattre les symptômes, et guérir les maladies. Elle peut aussi provoquer quelques unes des maladies de la civilisation. Cette médecine utilise en effet, des médicaments chimiques de synthèse découverts dans les laboratoires. Ces médicaments de synthèse, provoquent souvent des effets secondaires dangereux sur l'organisme, pouvant être immédiats ou se manifester, longtemps après l'arrêt d'un traitement, si bien que la relation de cause à effet n'est pas toujours facile à établir. Il n'est donc pas rare, que des médicaments génèrent des troubles plus graves que ceux qu'ils sont censés guérir.

Les médicaments prescrits sur ordonnance tuent plus que les accidents de la route ou le diabète (AFSSAPS). 30 % de maladies sont causées par les médicaments eux-mêmes (Pr. Lwoff, prix Nobel de médecine).un patient sur dix rentrant à l'hôpital, subit un événement indésirable lié aux soins qu'il reçoit (OMS). 50% à 70% des médicaments prescrits selon les pays, sont inutiles ou dangereux (Pr. Philippe EVEN 2011) ; l'eau potable elle même, contient partout des restes mesurables de médicaments (OMS).

Alors, si beaucoup de médicaments ne guérissent pas à coup sûr, si certains sont dangereux, et d'autres inutiles, pourquoi continue-t-on de les fabriquer, et toujours en plus grand nombre, et sans vrai contrôle? Simplement, parce que l'industrie pharmaceutique, défendue par de puissants soutiens, dicte sa loi aux décideurs pour toujours davantage de bénéfices. Les médecins, souvent les plus jeunes, accordent une confiance exagérée aux visiteurs médicaux, employés par ces mêmes laboratoires, pour faire la publicité de leurs nouveaux médicaments toujours présentés, comme étant supérieurs à ceux déjà existants."L'industrie pharmaceutique est la plus lucrative, la plus cynique et la moins éthique de toutes les industries" (Professeur EVEN -Professeur DEBRE 2012).

Malgré toutes les dégradations de la santé qu'engendre cette civilisation, il faut reconnaître que la médecine contemporaine a permis des améliorations considérables dans notre vie. Des pathologies considérées comme incurables ont été vaincues, ou sont en passe de l'être: la mortalité maternelle et infantile a diminué et l'espérance de vie a augmenté partout dans le monde, même si elle l'a été de façon inégale à travers le monde.

Jusqu'à ces toutes dernières années, l'espérance de vie a effectivement augmenté de façon linéaire. Mais ceci n'est plus vrai aujourd'hui. L'espérance de vie pour les hommes comme pour les femmes, a diminué d'un dixième d'année, soit 36.5 jours (étude des National Vital Statistics Reports qui dépendent des Centres de contrôle des maladies (CDC 2011). Si l'on observe l'espérance de vie en bonne santé d'une personne, c'est le même verdict. En 1998, un homme âgé de 20 ans, pouvait espérer vivre encore 45 ans, à l'abri d'une maladie grave (maladie cardiaque, cancer ou diabète...). Cet homme de 20 ans ne peut espérer vivre que 43,8 années en 2006 soit une espérance de vie en baisse de 1,2 années en 8 ans. C'est une baisse énorme en peu de temps!Un américain né en 2008, a une espérance de vie de 77,8 années en moyenne, soit un mois de moins que pour les personnes nées en 2007. Il y'a quelques jours, l'Inde affirmait que « l'espérance de vie sans incapacité » diminuait régulièrement depuis 2006. On devient donc malade de plus en plus tôt au cours de la vie.

Les maladies engendrées par l'altération de la planète augmentent considérablement les coûts de la santé. Les dépenses de santé sont a présent un lourd fardeau pour la collectivité, même dans les pays les plus développés. La société ne pourra pas assurer des soins de plus en plus coûteux et les remboursements de la sécurité sociale diminuent constamment.

Il est évident que ce modèle de civilisation, attaché surtout à satisfaire la consommation, a apporté d'énormes progrès à l'humanité, aussi bien dans le domaine de la médecine, de la communication, des transports,de l'agriculture... A présent, ce modèle de civilisation a atteint ses limites, et il devient dangereux. La rareté s'installe partout. Les ressources énergétiques s'épuisent, l'eau devient rare et précieuse, et sera à l'origine de nouvelles guerres. L'air que nous respirons devient de plus en plus toxique. La terre n'arrivera pas à nourrir tous ses enfants, et déjà les pays riches achètent les terres des pays pauvres.

Cette civilisation a surtout servi les pays du Nord de la planète qui ont asservi et pillé les pays du Sud pendant des siècles. Ces mêmes pays riches ,sont aussi les anciens colonisateurs, qui se sont développés à partir de nos richesses. Les conflits armés ont très souvent puisé leur origine dans le contrôle des ressources.

Pour le bien de tous, une politique de gestion responsable doit s'imposer à tous, pour réhabiliter la planète et pour sauvegarder notre bien le plus précieux, la Santé.

Cela est encore possible !

Comme le dit le philosophe allemand Friedrich Hölderlin

                 "Là où croit le péril, croit aussi ce qui sauve.

                    Le probable n'est pas certain, et souvent c'est l'inattendu qui advient ."

   

PUBLICATION DU Pr KHELIL .2

Curieux endroit qu'a choisi le Pr KHELIL pour situer le déroulement de son histoire. Ce choix en réalité n'est pas fortuit: ce phénomène de la file d'attente révèle l'un des malaises chroniques que ressent le citoyen algérien. Pour les deux acteurs de ce roman ce lieu constitue l'observatoire idéal pour scruter, observer et sentir physiquement le resenti de ce malaise social. Le dialogue des deux amis, l'un agronome l'autre journaliste, passe en revue tous les problèmes qui empoisonnent la vie quotidienne de l'algérien. Dans l'épilogue l'auteur propose des solutions basées sur des études scientifiques qui doivent accompagner une réforme en profondeur de notre système socioéconomique et donc politique. Comme d'habitude chaque publication du Pr KHELIL constitue une nouvelle contribution positive  au débat national.A.B

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